[HistoireRP] Le domaine de Rougemont

silivren7

[Illidrin]

Etoileneige renâcla en frappant une pierre du sabot, le sortant de la demi-torpeur avec laquelle il chevauchait. L'aube n'allait pas tarder à percer l'horizon des rayons timides du début de printemps. Illidrin sourit doucement ; l'étalon blanc savait qu'il aimait observer le lever du soleil. Suivant mollement son comparse qui avait ralenti leur trot soutenu pour un pas cadencé, Noirefutaie secoua sa grosse tête lorsqu'il le vit le regarder. Le grand étalon noir commençait à s'agacer de suivre en longe le croupe immaculée de l'autre cheval. L'elfe serra les flancs d'Etoileneige pour le faire reculer et sauta souplement sur le dos caparaçonné de l'autre équidé. Longueselle se dressait devant eux, à peine à quelques foulées de galop ; de quoi défouler la fougue contenue du cheval de guerre.

Illidrin était heureux d'être arrivé aussi rapidement. Son corps le lançait légèrement après ces quelques journées de chevauchée ininterrompue, lui qui n'était plus habitué à un tel exercice. Les chevaux semblaient même en meilleure forme. Et la carte, décrivant une traversée rapide des Bois de Padhiver, qu'il avait trouvé dans la tanière-en-la-ville de Cyrien s'était avérée être d'une grande aide. Il lui tardait de rencontrer les Harpell. Lors de ses recherches sur le domaine de Rougemont, et accessoirement Longueselle, il avait trouvé de croustillantes histoires et anecdotes sur cette famille de magiciens excentriques. La curiosité lui battait le sang à mesure que les puissantes foulées de Noirefutaie le menaient au village. N'en souriant que plus, il talonna d'un léger coup les flancs du cheval qui agrandit ses foulées.

Il ne s'arrêta pas au petit hameau, hormis pour se présenter sommairement et demander son chemin. Le domaine de Rougemont, rasé, appartenait désormais aux Harpell. Il doutait que les paysans de Longueselle en aient quelques connaissances. Le soleil n'était qu'à son quart de course matinale qu'il trottinait vers la Demeure au Lierre des Harpell, surplombant le village.

sgkaltezar

[MJ]

Au premier abord, la Demeurre au Lierre semblait calme en cette belle matinée. Les trois bâtiments, dont la tour centrale à l'architecture démente s'élevant haut dans le ciel, ne donnaient signe de vie à un observateur extérieur.

Sur sa route, Illidrin croisa une clôture de bois toute simple, loin de l'extravagance ou de la richesse d'une enceinte de protection à laquelle il s'attendait pour la demeure d'une famille noble.

Alors qu'il s'apprêtait à poursuivre sa route, son regard fut attiré par un écureuil dévorant une noix sur un des poteaux. Sans aucun doute, l'absence d'arbre et, par extension, de noyer devait attiser la curiosité du paladin. Mais c'est lorsque le petit animal s'exprima dans un elfique parfait que le sommet de l'anormal fut atteint.

"Salut à toi, voyageur, puis-je t'être d'une quelconque utilité ?"

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[Illidrin]

Illidrin manqua d'en tomber à la renverse. Heureusement, Noirefutaie, qui connaissait son cavalier et obéissait à ses moindres mouvements, accompagna le changement d'assiette et lui évita une chute maladroite. L'elfe regardait l'écureuil parlant avec de grands yeux estomaqués. Aucun noyer ne s'élevait dans les environs et il se demandait d'où pouvait bien parvenir le petit animal. Même l'étrange bâtisse était oubliée, malgré le prenant désir qui l'avait pris à sa vue de la dessiner pour en saisir la subtile architecture.

- Bah alors, tu as quoi à me dévisager, malotrus ? s'agaça la bestiole, outrée d'être regardée comme une bête de foire. Son elfique était parfait et ravissait les oreilles de l'elfe qui n'avait que peu entendu sa langue depuis son arrivée à Padhiver. Illidrin ferma aussitôt la bouche, baissant des yeux contrits, et sauta à bas de Noirefutaie pour saluer respectueusement son étrange interlocuteur.

- Enchanté, messire. Je suis Illidrin Helios, paladin d'Amaunator, en provenance de Padhiver. J'aimerai rencontrer les Harpell, maîtres de ces terres. J'ai des questions à leur poser concernant des recherches personnelles.

Il redressa la tête pour sourire doucement.

-Auriez-vous, messire, l'amabilité de m'annoncer à eux ?

sgkaltezar

[MJ]

La boule de poil parlante grignota encore un peu de sa noix avant de jeter l'air négligeant le reste du fruit. D'un saut, le petit écureuil se retrouva sur l'encolure de Noirefutaie et escalada rapidement le bras d'Illidrin pour se retrouver sur son épaule droite. Il lui parla à l'oreille, sur le ton de la confidence.

- T'annoncer ? Ai-je l'air d'un héraut, avec son cor et son parler ampoulé à n'en plus finir ?

D'un geste fulgurant, la bestiole fantaisiste sortit une épée adaptée à sa taille de nulle part et appuya doucement la pointe sur le lobe du pauvre paladin.

- Je ne suis pas l'annonciateur, mais le gardien de la propriété ! Qu'est-ce qu'un elfe, se prétendant noble Chevalier Solaire, pourrait bien vouloir à ces mages déjantés de la famille Harpell ? Fais attention, il n'y a pas beaucoup de bonne réponse !

silivren7

[Illidrin]

Illidrin s'était d'abord figé sur sa selle en sentant la piqûre de la minuscule épée contre son oreille. Noirefutaie avait aussitôt répondu à sa tension. Il sentait ses muscles puissants rouler entre ses jambes, se préparant à charger, et les oreilles du cheval étaient couchés sur son encolure bardée de métal. Derrière eux, Etoileneige avait levé une tête alerte, une écume d'appréhension ondoyant son poil d'ivoire.

Mais le jeune elfe se savait en bon droit et il se refusait de répondre par la violence à la demande légitime d'un gardien. Il détendit son corps, n'osant pas flatter l'encolure de Noirefutaie, de crainte que son mouvement soit perçu comme une envie de dégainer son épée accrochée à la selle du cheval noir et qui battait sa jambe. Sentant son assiette se détendre, Noirefutaie relâcha la pression dans un long renâclement, dardant un œil méfiant sur la bestiole accrochée à l'épaule de son cavalier.

Illidrin tenta de regarder l'écureuil, malgré qu'il soit en un angle mort, sans qu'il ne puisse bouger la tête. Il ne put que lancer des coups d'œil, peinant à fixer l'animal, et dit d'une voix sereine :

- Comme je vous l'ai dit, messire Gardien, je suis ici pour des recherches. Un ancien domaine, nommé Rougemont, se trouvait il y a des siècles sur un territoire qui appartient désormais aux Harpell. Je suis venu les trouver pour demander l'autorisation de fouiller ces terres en quête de réponses sur ce domaine ; et également entendre de leurs bouches ce qu'ils pourraient savoir à ce sujet. Qu'Amaunator veuille que mes questions se dissipent.

sgkaltezar

[MJ]

A la réponse du paladin, l'écureuil émit un léger couinement et rabaissa son arme de la taille d'une aiguille. D'un mouvement vif, il se propulsa en arrière dans un saut périlleux pour retomber au sol. Un flash lumineux éblouit alors Illidrin et ses deux montures. Lorsque ce dernier repris pleine possession de sa vue, il trouva debout face à lui un homme aux cheveux blancs, au regard brun perçant, le visage ridé et le dos voûté, vêtu d'une robe de bure marron à la manière d'un ecclésiastique, une canne de bois à la main. Sa voix croassante continua dans le langage chantant des elfes, teintant ses mots d'accords improbables.

- Un paladin chercheur et historien ? Voilà qui n'est guère commun, j'en dirai même plus, voilà qui est intrigant ! Tu tapes dans le mille, gamin, j'aime qu'on m'intrigue, dit-il un demi-sourire accroché aux lèvres. Tu cherches les Harpells, tu en as trouvé un ! Je m'appelle Edmond et je vais te conduire jusqu'à notre demeure. Il me tarde de converser avec toi autour d'une bonne bière forte à la Baguette Pompette. Ne fais pas cette tête-là, nous avons notre taverne familiale, tu es à la Demeure au Lierre ici, pas à la Vallée de la Soif ! En route, et à pied, tu risquerais d'écraser ton cheval !

Sans attendre la moindre réponse ou réaction du servant d'Amaunator, le vieil homme se mit en route vers les bâtiments à bon pas, bien qu'il clopinât.

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[Illidrin]

Le soulagement l'inonda lorsque l'écureuil se recula dans un bond dont il admira la souplesse. Même si l'arme était minuscule, il n'était jamais agréable d'en sentir la piqûre. Surtout qu'Illidrin n'aurait pas apprécié se battre contre le gardien des Harpell, qu'importe la forme qu'il revêtit. La vive lumière qui l'éblouit le prit par surprise et il grimaça en fermant les yeux, les protégeant de son bras levé. Noirefutaie et Etoileneige piaffèrent d'inconfort, secouant leurs têtes en tapant du sabot sur le sol. Encore aveuglé, le jeune elfe tâtonna pour trouver le museau du cheval noir d'une main, l'autre trouvant le chanfrein immaculé dans son dos.

Lorsqu'il put y voir à nouveau, l'écureuil avait laissé place à un vieil homme et il écarquilla les yeux devant le tour de passe-passe. La curiosité revint lui battre le sang en force et il manqua de ne pas comprendre ce que lui racontait son interlocuteur. Pourtant, il avait en face de lui Edmond Harpell, certainement l'homme qui lui fournirait les informations dont il avait besoin pour entreprendre les fouilles de Rougemont.

Sa surprise à la mention de discuter autour d'une bière dut se lire sur son visage puisqu'Edmond en fit mention et il sourit à sa repartie, espérant juste qu'ils aient une liqueur elfique ou un vin doux. Il n'avait jamais apprécié bière et hydromel, au contraire de sa sœur. Au souvenir d'Esna, et accessoirement de sa propension à chanter après quelques verres, le sourire d'Illidrin s'agrandit.

Les accords de l'elfique du Harpell étaient tellement improbables qu'il ne résista pas à l'envie de sortir son carnet - celui-là même où il avait l'habitude d'écrire phonétiquement le drow qu'il entendait - pour les coucher sur le parchemin, indifférent au fusain qu'il se mettait un peu partout sur les doigts. Le nez plongé dans son carnet, il emboîta le pas au magicien, ses chevaux le suivant les oreilles alertes à sa place.

Ce ne fut qu'après quelques pas qu'il releva les derniers mots de son hôte.

- Que voulez-vous dire par écraser mon cheval ? Et oh ! Comment avez-vous pu vous transformer en écureuil ? Et réussir à parler le langage des deux-pattes sous cette forme ? Et oh…

En relevant la tête, l'architecture hybride de la Demeure au Lierre venait de resurgir devant ses yeux qui brillèrent d'admiration. La bride de sa curiosité venait de se rompre.

- J'aimerai vraiment étudier les plans de votre maison ! Et la dessiner, si vous le permettez. Comment en êtes-vous arrivés à un tel résultat ? C'est magnifique. Tant de liberté et de choix esthétiques différents. Combien d'architectes se sont relayés pour un tel résultat ?

Le domaine de Rougemont, son impudente baronne qui l'avait mené à effectuer ces recherches, même son humeur morose depuis la soirée qui l'avait poussé à entreprendre ce voyage, tout cela fut occulté par la puissante vague de curiosité que la Demeure au Lierre, et ses occupants, déclenchaient.

sgkaltezar

[MJ]

Sous l'avalanche de questions, Edmond lui lança un regard fatigué qui en disait long, mais n'ajouta aucun commentaire oral. Au bout de quelques pas, un nouveau flash de lumière se fit sentir, dans le dos du paladin cette fois-ci. Derrière lui, Etoileneige et Noirfutaie venaient chacun de se réduire à la taille d'un chat.

Avant qu'Illidrin n'eût l'occasion de réagir au sortilège qui affectait ses chevaux, un bras s'enserra autour de ses épaules. Comme sorti de nul part, se tenait à côté de lui un jeune homme brun finement taillé, au visage jovial, vêtu d'un accoutrement qu'il n'avait jamais vu auparavant. Il portait une redingote pourpre par-dessus un gilet aux couleurs violacées et enluminées de dorures. Sa chemise blanche était fermée par un noeud papillon dans des tons similaires à ceux de son costume.

- Ne t'inquiète pas pour tes compagnons mon ami ! Ils sont en parfaite santé ! C'est juste que nous n'avons jamais pensé à, ou voulu, bâtir une écurie adaptée pour grandes bêtes devant le pont sur la Rivière Grimpante. Du coup, l'endroit est enchanté pour rendre les bêtes petites, ajouta-t-il dans un petit rire.

Edmond Harpell marmonna quelque chose dans sa barbe et poursuivit son chemin, laissant Illidrin nez à nez avec son nouvel interlocuteur. Se dernier jeta un regard amusé au vieil homme qui s'éloignait et revint au paladin.

- Sacré Edmond, son âge finit par avoir raison de sa patience. Laisse-moi me présenter, je suis l'Expert ! Alors comme ça tu veux dessiner notre demeure ? C'est avec plaisir, nous n'en avons jamais eu les plans !

Dans son enthousiasme, il poussa Illidrin a faire demi-tour sur lui-même pour refaire face aux bâtiments et pointa du doigt la tour centrale montée en spirale par une multitude de plaques de pierres rectangulaires.

- Je me réjouis de te voir dessiner celui-ci, il faut un esprit vraiment vif pour représenter un volume qui est plus grand dedans ! Allons, mettons-nous en route, Edmond va râler s'il doit attendre que sa bière chauffe. Je vais t'aider à porter un de tes chevaux mon ami. Nous les laisserons à l'entrée du pont et traverserons SOUS le pont. Tu n'auras cas me suivre, et me faire confiance, termina-t-il dans un clin d'oeil.

Il s'apprêta à s'emparer d'Etoileneige dans ses bras pour continuer jusqu'à la Demeure au Lierre.

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[Illidrin]

Le regard las d'Edmond Harpell balaya l'excitation d'Illidrin qui rougit fortement, gêné de s'être laissé emporter, et recula vers ses chevaux. Ses questions n'en fourmillaient pas moins dans sa tête même s'il garda le silence. Lorsque le flash de lumière changea la luminosité dans son dos, il se retourna vivement, les noms de ses chevaux sur la langue…

Qui ne franchirent jamais ses lèvres. La surprise le rendait muet et le clouait sur place. Ses grands chevaux, ses puissants étalons, ses magnifiques destriers… étaient réduits à la taille de chats. L'instant d'après, il les trouva « mignons » tant ils ressemblaient à ce qu'ils avaient été poulains, tout en gardant leurs caractéristiques d'adultes. Mais ils paniquaient et il les rassura d'un doux sifflotement.

Avant de se rendre compte que ses armes - l'épée ET le bouclier - se trouvaient accrochées à la selle de Noirefutaie. Et qu'elles avaient elles aussi été miniaturisées, tout comme les harnachements. Illidrin repoussa l'affolement à se sentir nu sans son bouclier en se répétant qu'il n'en aurait pas besoin tant qu'il se trouverait dans la Demeure au Lierre. Il n'eut de toute façon pas le temps de paniquer de cette absence.

Un autre mage venait d'apparaître en posant familièrement un bras autour de ses épaules. Illidrin n'avait jamais été friand du contact de la part d'inconnu mais il était trop poli pour rejeter le nouvel arrivant, surtout qu'il affichait un sourire engageant.

- Cela n'affecte en rien leur métabolisme… Je suis rassuré.

Sa gêne se rappela à lui lorsqu'il entendit Edmond continuer à avancer sans attendre. Il espérait que leur conversation autour du verre désiré par le vieux mage rétablirait la situation. Illidrin n'aimait pas être fâché avec les personnes qu'il côtoyait. Avec les autres, tout simplement. Il reporta son attention sur le jeune mage étrangement vêtu. Le coupe de sa redingote lui attirait l'œil. Il la dessinerait peut-être elle aussi, de mémoire certainement.

- L'Expert ? En quel domaine ?

Encore une fois, le mage agit trop vite pour lui laisser le temps de réagir, ou poser sa question. Il se retrouva à nouveau devant l'architecture démente de la Demeure au Lierre et son sourire ne fit que s'accentuer aux propos de l'Expert. Le défit lui plaisait, si tant qu'il ait le temps de dessiner ces plans.

- J'ai plutôt l'habitude de l'architecture elfique. Mais je ferais de mon mieux.

Il commençait à emboîter le pas au mage, vers les chevaux, lorsque sa dernière phrase le percuta. Il se figea, clignant des yeux sous la surprise.

- Sous le pont ?... Soit. Vous êtes l'hôte, je vous fais confiance.

Esna n'arrêtait pas de dire que l'hospitalité était sacrée et même Cyrien croyait en cette règle. De plus, il ne voyait pas pourquoi un Harpell le mènerait dans un piège. S'il disait qu'il fallait passer sous le pont, c'est qu'il fallait le faire.

Etoileneige renâcla lorsque l'Expert se rapprocha et cabra de sa petite hauteur. Ses sabots restaient tout de même dangereux alors Illidrin siffla doucement pour l'inciter au calme. Voyant son cavalier prendre aisément Noirefutaie dans ses bras - le cheval de guerre se laissant d'autant plus manipuler que cela lui rappelait de lointains souvenirs de ses jeunes temps - Etoileneige finit par se laisser porter sans rechigner.

- Dites-moi, messire l'Expert, la Demeure au Lierre est-elle aussi garnie de surprise et d'inventivité que son extérieur ? demanda Illidrin en se retournant vers le mage, prêt à le suivre, un sourire sincère aux lèvres.

sgkaltezar

[MJ]

- Le domaine d'une famille qui a fait de la créativité son crédo depuis des siècles ? Tu n'es effectivement pas au bout de tes surprises mon ami.

L'Expert conduisit Illidrin et ses chevaux au pont sens dessus dessous qui enjambait une rivière s'écoulant d'aval vers l'amont. Les montures furent laissées à l'écurie spécialement conçue pour accueillir des animaux de la taille de chats. L'Expert précisa qu'un garçon d'écurie, spécialement engagé pour s'occuper des bêtes des visiteurs, soignerait Noirefutaie et Etoileneige.

Le mage continua son chemin, comme annoncé, sous le pont. D'un mouvement démontrant son habitude de l'endroit, il compensa l'inversion de gravité et se retrouva les pieds collés à l'intérieur de la voûte, la tête en bas. Se retournant, il adressa un sourire à Illidrin et l'invita à le rejoindre en l'imitant. Puis il continua sa route, jetant de temps à autre un regard vers la rivière devenue son ciel.

Arrivé sur l'autre versant, l'Expert conduisit le paladin vers le plus petit des trois bâtiments, esquivant la tour centrale et le gratifiant d'un : "Tu auras tout le temps de dessiner plus tard l'ami, Edmond et moi sommes trop curieux d'en savoir plus sur ta quête !".

Les deux compères entrèrent dans La Baguette Pompette, passablement calme à l'exception des éternels instruments de musique jouant seuls sous la direction d'un vieux mage. Le vieux Harpell bossu se trouvait assis à une table circulaire, une chope de bière brune mousseuse à la main qu'il leva pour inviter l'Expert et Illidrin à le rejoindre.

Une fois ses compagnons installés, le vieux mage questionna le paladin.

- Rougemont, ça ne me dit rien comme ça. Tu es sûr de ton coup gamin ? Si tu nous en disais un peu plus, qu'on puisse te filer un coup de pouce.

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[Illidrin]

La réponse de l'Expert tira à l'elfe un sourire amusé. Illidrin jeta un dernier regard à a bâtisse sans dessus-dessous, accentuant son sourire heureux, avant d'emboîter le pas au magicien. Rougemont reléguée dans un coin de sa tête, il appréciait de plus en plus sa visite à la Demeure au Lierre.

L'écurie l'étonna par sa conception. A vrai dire, il ne comprenait guère l'idée de miniaturiser ses chevaux. Où était l'amusement de venir les nourrir avec un lourd sceau d'avoine après sa salutation matinale au soleil levant ? Où était le plaisir de siffler ses fières montures qui arrivaient à ses côtés, aussi vifs que le vent qu'il s'en allait chevaucher sur un coup de tête, enserrant leurs flancs nus ? S'il s'attardait chez les Harpells, cette taille réduite allait poser un souci. Jamais ses chevaux n'accepteraient de rester enfermés. Au pire des cas, il les sortirait à l'aube et au crépuscule pour leur dégourdir les muscles et réchauffer leur solitude.

- Pouvez prévenir votre garçon d'écurie de donner une ration fournie ce soir ? Ils ont puisé dans leur endurance pour arriver ici au plus vite.

Souriant doucement, l'elfe frotta une dernière fois les doux chanfreins de ses chevaux et quitta l'écurie. Un aboiement salua sa sortie et il se pencha pour caresser le museau de Fedj, revenu de ses errances. Le chien avait eu quelques difficultés à suivre la cadence des chevaux, mais il allait avoir besoin de son flair pour ses recherches sur le terrain.

Lorsqu'il se releva, il eut la surprise de voir l'Expert… sous le pont. Il cligna des yeux, estomaqué, puis ses lèvres tremblèrent sous un rire qui prit de l'ampleur à mesure qu'il comprenait que la rivière devenait le ciel. Sans hésiter, même excité par sa curiosité et l'inédit de la chose, le jeune paladin rattrapa à grands pas l'Expert… peut-être un peu trop vite. Il ne put rétablir son équilibre et trébucha sur quelques pas, s'évitant une chute maladroite par quelques soupçons d'assiette.

- Il semblerait que je manque d'habitude, rit-il en se redressant, sifflant Fedj qui hésitait à venir. Le chien, lui faisant aveuglement confiance, se jeta dans l'inconnu et finit sur le dos en couinant de surprise. Illidrin le prit dans ses bras pour le rassurer de son expérience.

Il acquiesça distraitement à l'Expert pour le dessin des bâtiments. Rougemont commençait à reprendre sa vive force dans son esprit. Les instruments jouant tout seuls l'arrêtèrent dans sa marche. Fascinés, il les regarda danser par des mains invisibles, imaginant le ravissement d'Esna et de leur mère si elles voyaient de tels objets. Une fois attablés avec l'Expert et Edmond Harpell, un verre d'un vin doux en mains - la bière le répugnait par trop, il expliqua la raison de sa venue au domaine des Harpells :

- Voyez-vous, messires, j'effectue quelques menues recherches sur une certaine baronne nommée Tempérance de Rougemont.

Le souvenir lui tira une grimace et un frisson glacé. Il lui retournait toujours autant l'estomac. Tentant de camoufler son trouble, il reprit :

- La seule baronnie de Rougemont dont les archives de Padhiver font état a été détruite il y a 500 ans après des troubles entre aristocrates. La famille aurait été massacrée à cette occasion. Le cadastre a par ailleurs indiqué que l'ancien domaine est rentré parmi les terres des Harpells. L'hypothèse de l'existence d'une survivante se rappelant du titre de noblesse de sa famille n'est pas à mettre de côté. J'espère trouver quelques réponses dans les ruines du domaine.

sgkaltezar

[Edmond Harpell et l'Expert]

« Si je puis me permettre, en quoi la baronne t’intéresse mon ami ? l’interrogea l’Expert.
- Ces paladins, prêts à remuer ciel et terre pour les beaux yeux d’une noble en mal d’amour ! se moqua gentiment Edmond. »

Malgré ces quelques boutades, les deux mages durent admettre que cette ancienne baronnie ne leur disait pas grand-chose. L’Expert se montra le plus intéressé par les recherches d’Illidrin, même si les deux se doutaient bien que le servant d’Amaunator n’avait pas fait tout ce voyage par pur plaisir.

Illidrin fût invité à s’établir le temps qu’il voudrait dans une chambre de la Baguette Pompette sans avoir à débourser un sou. Edmond lui indiqua que le prix d’une chambre était celui de raconter une histoire intéressante. Sa quête de la Baronne de Rougemont entrait parfaitement dans ces critères. Les portes de la tour centrale de la Demeure au Lierre lui seraient ouvertes pour la durée de son séjour et il pourrait y trouver une bibliothèque et des archives historiques peut-être plus précises que celles de Padhiver.

L’Expert insista pour que le jeune elfe s’essaie à dessiner les plans d’architectures de la tour, non sans afficher un sourire qui en disait long sur les chances d’Illidrin d’y parvenir. Il lui conseilla d’être particulièrement prudent en visitant les pièces d’où émanaient des odeurs suspectes et de toujours frapper avant d’entrer s’il ne voulait pas prendre le risque de finir transformer en salsifis par un Harpell un peu trop nerveux.

« Tu as, bien entendu, l’autorisation de mener ton enquête sur l’ancien domaine de Rougemont, précisa l’Expert. Néanmoins, je t’accompagnerai mon ami. J’ai à disposition quelques outils qui te permettront certainement d’y voir plus clair sur le passé de l’endroit. Et puis, au besoin, nous pourrons toujours aller voir sur place à la bonne époque, conclut-il avec un sourire. »

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[Illidrin]

La remarque d'Edmond Harpell lui arracha une grimace dans ses réflexions. Le vieux mage ne pouvait pas plus se tromper sur ses motivations.

- Je puis vous assurer, messires, que ce n'est pas Tempérance de Rougemont qui dispose de mon intérêt. Mais ses agissements ont titillé mon instinct.

Le jeune paladin perdit son regard dans son vin avec lequel il joua quelques secondes, cherchant ses mots avec une mine songeuse.

- Voyez-vous, il y a à Padhiver une femme, drow et sorcière, dont on ne peut reconnaître en elle qu'un esprit libre. Dame Umartta ne se laisse pas dicter des directives. Pourtant, cette baronne, sortie de nulle part, lui a donné des ordres auxquels elle a obéi sans rechigner.

Illidrin haussa les épaules en finissant son verre.

- Peut-être qu'il n'y a rien à trouver. Peut-être qu'il y a quelque chose à savoir. Dans tous les cas, je sens que je ne vais pas regretter mon voyage à la Demeure aux Lierres.

Il accepta volontiers la chambre à la Baguette Pompette. La journée n'était pas bien avancée et il profita des dernières heures ensoleillées pour s'y installer, prenant congé de ses hôtes, et commencer ses recherches à la bibliothèque de la Tour Centrale. Il espérait trouver des informations textuelles dans des annales ou des chroniques, et peut-être même un plan indiquant l'emplacement de l'ancienne baronnie.

Illidrin commença par consulter les archives du cadastre attestant de l'attribution du domaine aux Harpells. Il compulsa également tous les documents historiques sur lesquels il put mettre la main, passant de longues heures enfermé dans la bibliothèque. Lorsque venait le crépuscule, il sortait dégourdir les jambes de Noirefutaie ou Etoileneige, accompagné de Fedj, et s'aérait l'esprit, en profitant pour trier les informations qu'il avait pu trouver dans la journée.

Sous l'insistance de l'Expert, il sortit un carnet vierge et des fusains et passa les premières heures du soir à tenter de dessiner la Demeure au Lierre, croquant au passage la tenue de l'Expert et tout ce qui intriguait ses yeux.

Au bout de deux jours de recherches assidues, Illidrin sella Etoileneige avec l'harnachement de bât et le matériel de fouilles. Des prospections sur le domaine des Harpells ne pouvaient que l'aider dans sa quête. Il avait appris à Fedj à retrouver sur le sol les signes d'une ancienne habitation et lui-même savait différencier, malgré le ravage du temps, les marques d'un ancien champ ou des fondations des murs.

Prêt à partir, il chercha l'Expert pour lui indiquer son attention de rejoindre le terrain et lui demander s'il désirait se joindre à lui pour cette première prospection.

- Votre connaissance du domaine sera plus qu'utile, ajouta-t-il en souriant doucement. Et j'ai cru comprendre que vous pouviez « aller voir sur place à la bonne époque », ce qui, vous devez vous en douter, et fort intriguant. Et intéressant.

sgkaltezar

[MJ]

Les recherches d'Illidrin lui permirent de découvrir certains éléments concernant l'ancienne baronnie de Rougemont et le comté de Veauxfrais auquel elle était rattachée par le passé.

Situé au sud-est de Longueselle, à quelques encablures de la lisière de la forêt de Padhiver, le comté était réputé pour subir les effets d'un micro climat le maintenant dans un hiver constant. La plupart des sages de l'époque s'accordaient à dire qu'il s'agissait d'un effet de bord du climat chaud maintenu à Padhiver par le Mont Hotenow. Cependant, personne ne pouvait expliquer pourquoi les alentours de Rougemont, situé dans les terres centrales du comté vivait avec des températures usuelles pour ces latitudes.

Par ailleurs, Illidrin apprit que la lignée de Rougemont était réputée pour des pratiques sulfureuses. La baronnie était très refermée sur elle-même, bien qu'elle soit le silo à grain de la région. Les héritiers issus de relations incestueuses ou de mariages avec des roturiers étaient la norme, au grand regret de la noblesse alentours qui convoitait les terres riches de Rougemont.

Les archives historiques stipulent qu'à défaut de pouvoir prendre leur part du gâteau par la diplomatie, les seigneurs se seraient finalement ligués pour conquérir les terres de leur opulent voisin. Constatant sa défaite imminente, le baron de Rougemont aurait fait appel à un puissant mage de sa famille qui aurait saboté les terres et réduit en cendre le castel. La famille, dans son intégralité, se serait ensuite suicidée, ne laissant aux seigneurs belliqueux que des terres infertiles et aucune lignée noble à associer à la leur.

*********

[L'Expert]

Le mage avait observé avec intérêt son propre portrait dessiné par Illidrin.

"Il faudra que j'en fasse une copie sur un tableau et en couleur ! avait-il déclaré joyeusement".

Alors que le paladin était sur le départ pour l'ancienne baronnie de Rougemont, l'Expert avait jeté un regard plus qu'amusé à tout le matériel de fouille du jeune elfe. Il avait alors sorti de sous sa redingote une espèce de baguette magique ornée d'une pierre bleue et apparemment faite de métal. Sans rien demander à Illidrin, l'Expert avait pointé quelques instants son objet en direction de Noirfutaie en fermant les yeux, puis après les avoir rouverts était parti murmurer à l'oreille de l'animal qui lui répondit par un hennissement assez enjoué.

"Je t'emprunte Noirefutaie pour notre voyage, mon ami, lui indiqua-t-il d'un ton badin. Je n'ai jamais monté un si bel animal. Mais il m'a dit qu'il serait gentil avec moi ! Et puis, ce serait dommage qu'il soit jaloux d'Etoileneige si on devait faire une petite excursion dans le passé !"

Une fois Noirefutaie promptement sellé par le mage, le duo se mit en route pour l'ancien domaine de Rougemont à une bonne journée de cheval de la Demeure au Lierre. Il n'y avait plus lieu de forcer le pas. En entrant sur le territoire de l'ancien comté de en cette fin d'après-midi ensoleillé du 22 Mirtul, ils constatèrent que le micro climat décrit dans les livres d'histoire ne semblait plus être la norme. La température était agréable, les champs et vergers semblaient se porter à merveille.

Ils atteignirent les anciennes terres de Rougemont dans la soirée. Sous leurs yeux, le spectacle oscillait entre désolation et merveille naturelle. La végétation sur la colline principale du domaine était pauvre, laissant paraître un sol d'argile ocre aux reflets exaltés par le soleil couchant. Les différentes nuances de rouges et orange qui composaient la fresque ainsi formée expliquaient à elle seule le nom de la baronnie.

Illidrin et l'Expert s'accordèrent sur le meilleur emplacement pour monter leur campement. Les ruines du castel se trouveraient certainement au sommet de la colline. Cependant, il était évident que la recherche d'éléments digne d'intérêt prendrait du temps, même avec l'aide des pouvoirs de l'excentrique mage.

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[Illidrin]

Ce qu'il avait appris sur la baronnie de Rougemont ne le rassurait pas des masses. Pas du tout, même. En tout cas, le comportement de Tempérance de Rougemont concordait bien avec ce qui se disait de ses prétendus ancêtres. Quand bien même se serait-il trompé sur son imposture, les choses restaient étranges.

L'intérêt de l'Expert pour son dessin au fusain lui donna l'idée de le mettre au propre à la plume, pensant le garnir de couleurs lorsqu'ils seraient revenus de leur prospection sur les anciennes terres de Rougemont. Fedj gambadait entre les jambes des chevaux, plus qu'enthousiaste à l'idée de sortir de la Demeure au Lierre. Illidrin le laissa faire sans le rappeler à l'ordre, sachant d'avance que son jeune chien fou aurait du mal à se tenir tranquille. Mieux valait donc qu'il décharge son trop plein d'excitation avant leur départ. Voir Noirefutaie se laisser aussi facilement amadouer par l'Expert lui tira une grimace qu'il tenta de tout son possible de cacher au mage. L'étalon qu'il avait élevé et dressé n'aurait pas dû se laisser approcher aussi facilement.

- Je te croyais fatigué de notre dernière course, marmonna-t-il toutefois à son cheval. Noirefutaie secoua la tête de haut en bas, agitant sa crinière dans tous les sens, passablement amusé par ses grommellements. Le jeune elfe ne put garder plus longtemps son air renfrogné et embrassa le chanfrein de l'étalon avant de se jucher sur Etoileneige.

- Sachez cependant, messire l'Expert, qu'on ne "m'emprunte" pas Noirefutaie. C'est un honneur qu'il vous fait. Vous montez céans l'un des plus beaux étalons du haras principal de ma famille. Il descend par sa mère de Massombre, que mon père regrette encore. Jamais je n'ai vu plus grand, plus noble et plus fidèle compagnon que cet étalon.

Il regarda son cheval noir, souriant tendrement.

- Noirefutaie n'entame que sa septième année. Je gage que d'ici quelques ans de plus, il sera comparable à Massombre.

Durant leur journée de chevauchée, Illidrin laissa Etoileneige décider de leur allure. L'étalon blanc fourmillait d'énergie et son trot était rythmé. Plusieurs fois tira-t-il sur les rênes pour quémander une poussée de galop, déclenchant le rire de son cavalier qui le laissait volontiers aller à sa convenance. Illidrin arrêta sa monture en s'appuyant sur sa selle, les rênes abandonnées au profit de cartes, pour observer le doux soleil printanier caresser les cultures en croissance.

- Il est dommage que le micro-climat ne se soit pas maintenu. La végétation a dû cacher les ruines. Mais d'un autre côté, peut-être devons-nous en conclure que la famille de Rougemont est bel et bien disparue. Ou du moins a-t-elle quitté ces terres.

A sa grande surprise, la végétation s'avéra pauvre sur la colline principale où devait certainement se trouver l'ancien castel. Ce qui, à son sens, allait arranger les recherches. Il était plus facile de reconnaître les traces d'une ancienne habitation lorsqu'elles n'étaient pas cachées sous un amas de feuillage. Le lendemain de leur installation sur ces lieux, Illidrin se leva de bonne humeur avec l'aube, adressant sa prière habituelle au soleil levant. Sifflotant gaiement, il appela Etoileneige qu'il harnacha d'un simple bât auquel il accrocha d'un côté une sorte de pupitre avec une carte de la région et d'un autre tout un ensemble de sacoches et de récipients contenant moult fusains, plumes et matériel de fouilles de petit gabarit. Une pelle et une pioche furent sanglées au travers du dos du cheval qui allait la tête nue, une simple corde battant son encolure.

Le sifflotement changea alors en des trilles plus recherchées et Etoileneige redressa la tête, ses oreilles battant la cadence. L'étalon blanc entreprit de suivre son cavalier qui tournait en rond, ses sabots se posant avec attention sur les pas laissés par l'elfe blond qui n'en pouvait plus de sourire.

- Vous avez vu ça ? dit-il à l'Expert, avec un air d'enfant émerveillé. Il a retenu ce que je lui ai appris.

Noirefutaie renâcla dans son coin et Illidrin le rejoignit pour lui flatter l'encolure, collant son front à son chanfrein.

- Toi, mon ami, tu as des sabots trop épais pour ce travail. C'est pour ça que j'avais pris Etoileneige. Mais je compte sur toi pour monter la garde et pousser ton hennissement le plus tonitruant si un danger nous menace.

Il lâcha son étalon après une dernière caresse et siffla Fedj en se tournant vers l'Expert.

- Nous sommes prêts pour une première prospection. L'idée serait de retrouver les plans du castel par les marqueurs laissés par le temps au sol. Peut-être des murs encore apparents. Des pierres en tas témoignant de l'éboulis d'autres murs. Des différences de couleur ou d'aspect dans le substrat des sols. Si le castel a brûlé, il doit rester des traces.

A vrai dire, il ne savait pas trop ce qu'il cherchait. Restituer le plan du castel semblait être une première étape pour ensuite affiner la recherche. Peut-être trouverait-il des traces étranges, méritant une plus ample observation. Ou une pièce lui semblerait digne d'intérêt.

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[Illidrin et l'Expert]

Sur le papier, le plan de prospection d'Illidrin était parfait. De temps en temps, l'Expert se servait de sa baguette de métal pour "repérer" des ruines enfouies. Plusieurs morceaux des murs du castel étaient encore bien visibles au sommet de la colline de Rougemont. Il devait s'agir des fondations des murs extérieurs, les plus fortifiés.

Puis les choses se gâtèrent, dès la fin de la matinée, d'énormes nuages noirs s'étaient accumulés au-dessus de leur tête. De violents orages se déclarèrent sur le coup de midi, les forçant à renforcer leur campement et à s'y abriter.

L'Expert leva plusieurs fois le nez au ciel, ainsi que sa baguette, l'air inquiet. "Pas certain que cet orage soit naturel, baragouina-t-il a plusieurs reprise". Naturel ou pas, le mauvais temps semblait bien parti pour durer, des pluies torrentielles s'abattirent en quasi-continuité pendant une bonne semaine sur l'ancienne baronnie de Rougemont.

* * * - - - * * * - - - * * *

[Cyrien (Loup-Noir), Esna, Istovir, Sélène et le reste de la Meute]

Cela faisait deux jours qu'ils étaient partis de Padhiver. Sélène Redglow était plutôt satisfaite d'elle-même. La chasse des jours précédents avec Ulfr, le jeune chien surexcité, s'était plus ou moins bien déroulée. Certes, la Meute ne s'était pas rempli la panse comme dans les grands jours, mais ils avaient tout de même réussi à leur donner de quoi survivre en attendant le retour de Cyrien. Le tout sans utiliser la moindre magie.

Ce dernier était revenu à la tanière avec une femme rousse et farouche, Esna, et ce drow étrange, Istovir. Rapidement, Sélène s'était assurée qu'Esna ne représentait pas une menace sur son désir fervent de conquérir le coeur du Loup-Noir. Elle avait fini par comprendre qu'Esna était plutôt un genre de nièce pour lui et donc pas une concurrente directe.

Le voyage en direction de Longueselle se passait sans problème jusqu'alors. Mais, alors que le crépuscule s'installait doucement sur les bois de Padhiver, les chiens et loups de la meute se mirent à s'agiter de manière complètement anormale. L'absence de Skadi, la chouette éclaireuse partie à la recherche d'Illidrin se faisait largement sentir à cet instant. Devant eux, ils distinguaient des formes humanoïdes, en nombre.

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[Illidrin]

Illidrin se sentait serein. Fouiller lui apaisait l'âme, en concentrant son esprit sur sa tâche. Mais les nuages qui grondaient des menaces plus prégnantes à mesure que le temps passait ne lui disait rien qui vaille. Par crainte de perdre les données relevées, il rangea tous les documents à la première goutte dans les sacoches d'Etoileneige et sortit une lourde couverture pour les en couvrir. Il venait de boucler la sangle d'un coup de tonnerre tonna au-dessus de leur tête. L'étalon blanc, pris par surprise, cabra et Fedj vint se coller à son maître, glapissant de peur. L'orage éclata sans plus de semonce, la pluie tombant drue, les trempant et rendant leur visibilité faible.

Ils réussirent néanmoins à rejoindre le camp. Le jeune elfe se dépêcha de rentrer tous les documents dans la tente qu'il partageait avec l'Expert, y laissant Fedj, roulé en boule dans un coin. Etoileneige, les flancs tremblants, s'était collé à Noirefutaie qui affichait au contraire l'impassibilité d'une sentinelle. Il ne pouvait les laisser à la merci de la fureur des éléments, surtout si l'orage n'était pas naturel, comme l'Expert le craignait. Il s'échina donc à monter une écurie de fortune avec d'épaisses toiles sanglées à des poteaux qu'il avait pensé à amener avec son matériel de fouille.

Devant l'inactivité forcée, Illidrin ressortit ses carnets, dessinant sur l'un, gribouillant quelques études sur un autre. Il mit notamment en couleur le dessin de l'Expert. Au bout de trois jours sans amélioration, l'inquiétude commença à le tarauder. La lettre qu'il avait laissé à Istovir indiquait qu'il ne partait qu'une semaine et il avait également donné ce délai à Morgemil. Il s'enquit donc auprès de l'Expert d'un moyen d'envoyer un message à Longueselle pour qu'un oiseau messager soit dépêché à Padhiver.

****

[Cyrien]

Lorsque Cyrien rejoignit la Meute après l'avoir laissée sous l'autorité de Fenrir et en décrétant Sélène et Ulfr comme Chasseurs, il peinait à cacher son inquiétude. Il avait pris un pari dangereux en leur donnant autant de responsabilité. Mais il avait eu raison de leur faire confiance. L'Alpha ne cacha pas sa fierté à ses deux Loups, qu'il exprima par des frottements de nez et des jappements.

Il sourit sous cape en avisant Sélène étudier Esna qu'il avait ramené avec lui et ne prit pas la peine de lui indiquer qu'elle était l'autre Louveteau de son Frère-Loup. Il préférait voir si Sélène réussissait à comprendre leurs liens en les observant. Esna était venue avec un ours. Le Loup-Noir grogna devant l'animal rival, son instinct se rebellant contre sa présence près de la Meute. Mais l'homme afficha plutôt un air blasé qui agrandit le sourire amusé de la jeune elfe.

Le Loup-Noir marchait en écoutant distraitement les baragouinages d'Ulfr à propos de la Louve-au-pelage-de-feu lançant des piques-qui-piquent-le-museau aussi rapides que la Reine-de-Nuit lorsqu'il sentit qu'on les observait. Huan grogna le premier, fonçant à l'avant, Fenrir dans son sillage. Ulfr se mit aussitôt en position d'attaque à ses côtés, tandis que Rôdeur les rejoignait. Kyl restait au milieu, son échine hérissée. Des formes humanoïdes grouillaient dans les ombres des Bois. Cyrien pesta : en l'absence de Skadi, il perdait ses yeux dans les hauteurs.

Un grognement interchangea sa place avec Fenrir. Le Loup-Noir s'accroupit près de son bêta, humant l'air pour tenter de déceler ce qu'ils avaient en face d'eux. Dans son esprit, le Chien de Guerre le poussait à attaquer sans plus attendre, de déchiqueter ce qui leur barrait la route, mais un seul coup d'œil vers Esna, Istovir et Sélène, musela son envie. Alors il laissa l'Alpha en lui parler par un long hurlement d'intimidation provenant du fond de sa gorge. Le message était clair : "Laissez passer la Meute ou subissez ses crocs".

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[Istovir]

Ce voyage lui avait semblé bien long, trop long d'ailleurs, mais il tenait réellement à retrouver cette Dame de Rougemont. Ce qu'elle avait osé faire à Illidrin était impardonnable et malgré cela, elle était tout de même une femme intéressante qui lui rappelait son passé auprès des prêtresses de Lolth.

Istovir était resté dehors pour contempler la nuit lorsqu'il entendit les loups s'affoler. Il s'en éloigna doucement afin de rester au calme tout en jetant tout de même un œil à ce qu'il se passait, sans réellement se préoccuper de la raison de leurs agitation.

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[L'Expert et Illidrin]

"Quitte à rester coincé ici, autant trouver directement l'oiseau à envoyer dans les parages, assena l'Expert. Cela nous dégourdira les jambes." Lui aussi semblait perdre patience et surtout n'appréciait guère l'idée d'être complètement impuissant face aux éléments déchaînés. Après avoir lancés plusieurs sortilèges de détection, il en était arrivé à la conclusion qu'ils subissaient en ce moment même les conséquences des longues années de manipulation climatique dans la région.

Illidrin avait visé juste. L'ancienne famille de Rougemont devait être impliquée dans une affaire de nature magique et les enjeux économiques n'avaient certainement pas été la seule raison de la guerre qui l'avait menée au déclin. En mage responsable, l'Expert se refusait à utiliser ses propres pouvoirs pour ramener un temps clément qui leur permettrait de poursuivre leurs recherches.

Une fois qu'Illidrin eut composé son message, ils se mirent en route vers un bois proche. Pour les protéger, le mage forma une bulle magique qui atténuait, dans un espace réduit, les vents et empêchait la pluie d'y pénétrer. Ils y trouvèrent une bondrée apivore avec qui l'Expert entra en communication de manière similaire à la prouesse qu'il avait déjà réalisée auprès de Noirefutaie. Il invita le paladin à expliquer le plus précisément possible où le message devait parvenir et il traduisit dans le langage du rapace.

L'oiseau compris, accepta qu'on attache le message à sa patte et pris son envol en direction de Padhiver. Il lui faudrait trois jours pour atteindre sa destination.

***

[Sélène]

Les formes humanoïdes auxquelles Loup-Noir venait d'adresser son ultimatum se dessinèrent plus clairement en approchant et s'arrêtant à distance respectable, imposant leur présence sans montrer signe d'agressivité directe. Toute la troupe pouvait clairement distinguer une cohorte diabolique menée par une charmante Erinye.

Sélène ne put réprimer un grognement animal en s'apercevant de la nature de celles et ceux qui leur faisaient face. La jeune femme prit une profonde inspiration pour retrouver son calme et chercher en elle la force de convaincre Cyrien de ne pas donner l'ordre d'attaquer.

Après une légère hésitation, elle rompit sa position dans la Meute, s'avançant à hauteur de l'Alpha et du Bêta. Elle déclara sur un ton neutre, mais assuré : "Alpha, je sais qu'ils y sont et je crois deviner pourquoi ils sont là. Notre Meute court un grave danger si tu ne m'écoutes pas. Je te supplie de rester ici avec les autres et de me laisser seule discuter avec cette diablesse. Je te donnerai toute les explications auxquelles tu as droit à mon retour, pour autant que j'en revienne en vie."

La louve en devenir n'ajouta rien. Elle resta sur place, tremblant légèrement, songeant que la réaction de Cyrien scellerait le destin de sa Meute et le sien, par la même occasion.

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[Illidrin]

Leur inactivité forcée commençait à les lasser tous les deux, Illidrin le voyait bien à l'agacement perceptible de l'Expert. Lui-même sentait dériver son esprit en des conjonctures impatientes. Noirefutaie et Etoileneige piaffaient à longueur de journée sous leur abri de fortune et Fedj rongeait son frein en mâchouillant les quelques poteaux soutenant leur tente.

Trouver un oiseau à envoyer à Padhiver fut l'occasion de s'aérer l'esprit tout en se dégourdissant les jambes. Le temps ne s'était apaisé en rien et ils ne purent sortir que grâce à un sort de protection de l'Expert. Le mage semblait inquiet concernant la nature magique du micro-climat. Ils trouvèrent finalement une bondrée apivore. Le jeune elfe se délecta des formes racées de l'oiseau qu'il détailla de longues secondes pour les graver dans sa mémoire. L'orage ne semblait pas vouloir les lâcher de sitôt, il pourrait tuer l'ennui quelques heures en croquant l'animal au fusain.

Par l'intermédiaire du mage, il indiqua au rapace Padhiver et choisit après réflexion de lui décrire spécifiquement l'emplacement de la porte rouge du Hall des Victores Valaurkos au sein de l'Enclave. L'oiseau ne devrait donner son message qu'à une personne lui ouvrant cette porte de l'intérieur. Qui que ce soit alors, Illidrin ne doutait pas que les nouvelles remonteraient à Morgemil, ou à Shi'larel si le drow était absent. Le message était laconique, résumant seulement son arrivée rapide à la Demeure au Lierre et le temps orageux qui retardait ses affaires sur le domaine de Rougemont. Il ajouta néanmoins que l'Expert, un mage des Harpells, reconnaissait que ces orages n'étaient pas naturels. L'oiseau s'envola rapidement, ses ailes battant vivement dans le vent déchaîné.

****

[Cyrien]

Cyrien gronda sourdement lorsque la nature des formes humanoïdes lui fut connue. Il expira violemment, secouant la tête de dégoût, lorsque leur odeur vint lui agresser les narines. Devant son comportement, les chiens s'agitèrent. Il nota cependant qu'Ulfr tenait sagement sa place, aux côtés de Fenrir, sans que le chien esquiveur n'ait à le remettre à l'ordre. Il serait dommage qu'il lui arrive quelque chose alors qu'il commençait enfin à devenir le formidable dominant, certainement un futur lieutenant au Bêta, qu'il avait entraperçu en le louveteau trempé recueilli à la fin des Feuilles-Mortes. Son grondement s'accentua à cette idée et un voile rouge tomba sur sa vision. Sa vieille colère pulsait en lui, poussant presque son corps à l'attaque. Ses muscles en devenaient douloureux. Il repoussa le Chien de Guerre par habitude. Son inquiétude pour le Louveteau ne devait pas aveugler son esprit et le pousser à prendre des décisions aveugles.

Un mouvement vers l'arrière lui fit vivement tourner la tête, pour regarder Sélène approcher de son œil valide, laissant Huan devenir ses yeux. Le Bêta ne lâchait pas la cohorte diabolique du regard, s'attardant plus spécifiquement sur l'Erinye qui la menait. Un bref aboiement réprobateur lui échappa à la demande de Sélène. Son instinct de Loup Alpha se rebellait à l'idée de laisser une jeune Louve prendre sur elle-seule le danger encouru par la Meute. Il se frotta distraitement son œil mort dont la douleur fantôme le lançait soudainement.

"Comme tu es à la fois Elfe et Homme, tu es Deux-Pattes et Loup. N'oublis jamais, mon Fils, de garder un pied dans un monde et une patte dans l'autre." L'écho lointain le rasséréna. La voix de sa Mère-Louve avait toujours eu cet effet sur lui. Il recala l'Alpha dans un coin de sa tête et reflua le Chien de Guerre loin, très loin, avec les souvenirs du massacre de sa première Meute.

- Vas-y, ordonna-t-il en se décalant, ouvrant le bras en direction de l'Erinye. Son autre main caressait imperceptiblement la garde de sa dague elfique. Il se tenait prêt à se téléporter dans les ombres pour la sauver. Ce seul point, il ne pouvait l'accepter. Alors qu'elle le dépassait, il jeta un œil vers Esna.

****

[Esna]

Elle retenait Boulegomme avec difficulté. L'imposant ours aurait voulu foncer sur les opportuns. La présence de la Meute le rendait hargneux. La jeune elfe n'aurait pas eu peur de se lancer à l'assaut de la cohorte. Mais ils étaient bien trop nombreux pour leur petite troupe. S'il y avait un moyen de passer sans combattre, autant l'essayer.

Elle ne s'empara pas moins de sa lance et décrocha son bouclier de la croupe de Boulegomme. Ses années dans le Nord lui avaient appris à toujours être prêtes. Lorsque Cyrien lui lança un regard, elle hocha la tête, relevant légèrement sa lance. Au moindre signe de la part de son mentor, elle lancerait Boulegomme à l'assaut.

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[Sélène]

Aussi tôt que la jeune rousse se détacha de la Meute pour s'avancer vers l'Erinye, le reste de la cohorte de diabolique fit un pas en arrière, accentuant d'autant plus leur volonté d'éviter tout massacre inutile. Sélène et la diablesse disparurent dans les méandres de la forêt comme deux amies de longue date partant en balade. Deux créatures maléfiques se mirent en opposition, empêchant quiconque de les suivre.

L'attente dura une bonne demi-heure. Sélène réapparut à son point de départ, l'air toujours aussi déterminée. Elle bouscula sans ménagement les deux diables pour rejoindre la Meute. Ces derniers, ainsi que le reste de la cohorte sembla complètement disparaître dans les ombres du crépuscule.

La jeune louve s'arrêta devant Loup-Noir et prit une grande inspiration, les yeux fermés, luttant contre son corps qui voulait frémir. Tous les chiens et les loups pouvaient sentir la peur, l'angoisse qu'elle venait d'affronter.

Elle garda les yeux mi-clos, la tête légèrement baissée alors que le calme revenait en elle et déclara : "La Meute n'a plus rien à craindre. L'alpha diabolique, Emeraldine nous laisse continuer notre route. Elle me cherchait moi et voulait me parler, termina-t-elle dans un soupir".

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[Cyrien]

Le grondement qui résonnait entre ses mâchoires serrées ne semblait pas vouloir s'arrêter. Il n'en faisait qu'enfler à mesure que les minutes s'égrenaient. Loup-Noir fusillait la cohorte diabolique de son unique œil, le corps tendu et les mains sur ses dagues. Ses lèvres étaient retroussées sur ses dents et il ne cessait de gronder comme un ciel d'orage. Huan le flanquait de près, attentif à ses mouvements. Le Bêta avait donné ses ordres à la Meute. Fenrir guettait les diables avec les autres. Huan veillait sur leur Alpha.

Cyrien n'arrêtait pas de lever le nez pour humer l'air, à la recherche des odeurs de Sélène et de l'Erinye. Il devait rassembler tous les pans de sa volonté pour résister au puissant instinct qui le poussait à aller récupérer sa Louve. Au moins réussissait-il à maintenir sous bride sa colère. Il ne se calma que lorsqu'Esna vint poser sa main sur son épaule, du haut de Boulegomme. La jeune elfe savait l'apaiser par sa seule présence. Mais il repensa au Louveteau, et au retard qu'ils prenaient, et grogna profondément vers les diables.

Sa patience arrivait à son terme quand Sélène réapparut. Il la dévisagea de haut en bas, par la vue et le flair, à la recherche de la moindre blessure. Sa Louve empestait la peur et l'angoisse. Kyl gémit et Ulfr gigota, indécis. L'Alpha se réveilla et un seul jappement court apaisa leur crainte. Il déplorait de ne pouvoir agir ainsi sur Sélène qui commençait seulement à reconnaître les nombreux sons qu'il utilisait pour interagir avec la Meute. Il se rapprocha donc pour s'appuyer contre elle, lui transmettant sa chaleur. S'il avait eu des oreilles, elles seraient fixées sur les ombres s'évaporant de la cohorte diabolique. Huan et Fenrir s'étaient postés de part et d'autre d'eux, aux aguets.

- Que voulait cette Emeraldine ? questionna-t-il d'une voix rendue rauque par ses grognements intempestifs.

- Je me demande surtout en quel honneur elle nous arrête. S'agit-il de son territoire ? Ce serait étrange, minauda Esna. Nonchalamment assise sur son ours, battant l'air de sa lance, elle fixait sur Sélène un regard perçant.

- Et pourquoi vouloir vous parler particulièrement à vous, Sélène ?

Pour le coup, Cyrien tourna vivement la tête vers la jeune femme rousse.

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[Sélène]

Au contact de Loup-Noir, sous le coup de l’émotion et sachant qu’elle ne couperait pas à l’interrogatoire, la jeune femme passa ses bras autour de la taille de l’homme et posa sa tête au creux de son épaule, les yeux légèrement humides. Elle qui était passée maîtresse dans l’art de la manipulation et de l’intrigue se sentait soudainement mise à nu face à l’alpha de la Meute et à la Louve-Bardée-de-Métal. La sensation était quelque peu désagréable, mais elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même de s’être mise dans une telle situation.

D’instinct, elle chercha Istovir des yeux, n’ayant aucune confiance en le drow. Ne le trouvant pas, elle répondit d’une voix mesurée, s’assurant de n’être audible que par Esna et Cyrien.

« Emeraldine voulait rappeler à mon souvenir d’autres engagements qui sont les miens. Loup-Noir, je ne suis pas qu’une marchande de fleurs et une renarde apprentie louve. Laisse-moi te dire d’où je viens et qui je suis. Je suis née dans l’enfer que représente la cité prison de Wheloon. C’est une ville du Cormyr dans laquelle les autorités envoient tous les criminels et dont personne n’en ressort. Pour te donner une image, j’ai été mise au monde dans une forêt peuplée de renards, de rats, de hyènes, de serpents et d’autres animaux encore plus vicieux et malfaisant s’il peut en exister.

Je ne sais pas qui est mon père, ni même ne suis certaine d’avoir été élevée par ma vraie mère. J’ai appris à survivre par moi-même au final, dans un environnement où la violence et la loi du plus fort sont la norme. Où le seul avantage d’être une femme, c’est de pouvoir satisfaire les mâles en haut de la chaîne alimentaire. Je n’ai pas sourcillé le soir de notre rencontre, lorsque tu m’as donné de la viande crue à manger, car cela représente un met de grands luxes comparés aux rats morts dont on devait parfois se nourrir à Wheloon.

Tu sais, Loup-Noir, la plupart des gens de la ville te jugent Toi et ta Meute, jugent de manière générale le monde animal comme des « sauvages » … lorsque tu as vécu à Wheloon, tu sais au fond de toi que l’humanité et sa prétendue civilisation n’a rien à envier aux animaux.

Enfin, je m’égare ... Lorsque je n’étais encore qu’une adolescente, bien entraînée au lancé du couteau et au jeu des intrigues entre les gangs, j’ai tout de même fait des erreurs qui allaient très certainement me coûter la vie. C’est alors qu’Emeraldine s’est manifestée et m’a littéralement sauvé la vie en me faisant sortir de Wheloon pour me conduire dans les bois du Cormyr, directement auprès de son alpha qui m'y attendait. »

Sélène marqua une pause dans son récit, sentant que ses prochaines paroles pourraient lui coûter très cher. Elle continua, la voix légèrement hésitante.

« Elle s'appelle Glasya, elle est la fille d'Asmodée, le Roi des Neuf Enfers et j'ai conclu un pacte avec elle. J'ai obtenu mon droit à la vie et l'accès à des pouvoirs magiques dont je ne pouvais que fantasmer l'existence. Tout ce qu'elle me demanda, en échange, c'est ma loyauté et mes talents à sa disposition pour nourrir ses ambitions.

Ô Loup-Noir, tu peux me juger coupable et faible si tu penses que je le mérite, mais crois-moi, sur le moment, Glasya paraissait bienveillante en comparaison des princes mafieux de Wheloon et de tous les nobles du Cormyr qui ferment les yeux depuis plus d'un siècle sur l'enfer qu'ils ont eux-mêmes bâti. Et maudis-moi si tu le penses, mais je suis toujours persuadée que Glasya est plus honorable et digne que bon nombre de politiciens de toutes les nations que porte Féérune, malgré sa soif infinie de pouvoir, propre à tous ceux de sa race.

Je suis venue à Padhiver à sa demande, dans ce rôle de marchande de fleurs. J'ai laissé libre cours à mes instincts et laissé parler mes atours. Une catin cherchant à s'attirer les faveurs des gentilshommes qui seraient tous prêt à la défendre dans l'adversité. Et puis … ce soir là, Loup-Noir, tu es apparu. Tout en toi m'a littéralement fait perdre la raison, a réveillé en moi un désir aussi ardent que les flammes du Phlegethos. Tu n'étais pas l'un de ces petits connards véreux, n'attendant qu'un clin d'oeil pour te prélasser dans la corruption ni l'un de ces chastes chevaliers aux mille vertus, prêts à vendre leur âme pour sauver la veuve et l'orphelin. Non, Loup-Noir, toi tu étais un loup, l'incarnation de la noblesse animale, de l'instinct primaire du chasseur et du vaillant protecteur des siens.

Sur le moment, j'ai tout oublié : mon contrat infernal, mes fleurs et mes conquêtes potentielles. J'étais prête et je suis toujours prête à te suivre jusqu'au bout du monde si tu me le demandais. Sois assuré que malgré tout ce que je puisse être, lorsqu'il a été question de la Meute, je ne me suis jamais permis le mensonge ni la manipulation et jamais je ne me le permettrai. Car aussi folle et malsaine que je sois, je le dis avec Esna pour témoin : si mon coeur peut véritablement encore aimer, alors c'est de Toi et de la Meute qu'il est épris Loup-Noir. »

Elle se laissa tomber sur ses genoux terre, glissant le long du corps de Cyrien, en larmes. Pour les instincts animaliers du Loup-Noir ou l'instinct féminin d'Esna, rien ne pouvait lasser douter de la sincérité de Sélène. Soit elle disait vrai de bout en bout, soit elle était une formidable comédienne. Elle termina dans un sanglot : « Je mets mon destin entre tes crocs Loup-Noir. »

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[Lettre d'Illidrin aux Victores Valaurkos]

Salutations, mes amis.

Je ne sais qui aura cette missive. Le rapace doit la mener devant la porte de notre Hall à l'Enclave. Mon absence se prolonge et je ne veux pas vous inquiéter. Je suis arrivé sans encombre à la Demeure au Lierre. Mes recherches sont retardées par un terrible orage qui sévit sur le terrain depuis quelques jours. Je suis avec un mage des Harpells. Nous allons essayer de tirer tout cela au clair. Nous n'aimons guère ce que cet orage présage.

Qu'Amaunator vous protège,

Illidrin Helios.

***

[Cyrien]

Cyrien ne disait rien. Il n'avait pas prononcé un mot ni esquissé un geste durant le long monologue de Sélène. Son œil valide se perdait entre les futaies assombries des Bois. Chacun des Loups de la Meute était venu s'asseoir en silence autour d'eux, fixant leur Alpha en l'attente de sa Parole. Il avait entendu Esna faire reculer Boulegomme. La jeune elfe veillait de loin, sachant qu'il était l'heure des Loups.

Comme il avait laissé parler le Deux Pattes en acceptant que Sélène s'en aille avec Emeraldine, Cyrien laissa l'Alpha agir. Loup-Noir redressa la tête, inspirant une longue goulée d'air, s'imprégnant du goût et de l'odeur de la forêt. Il entendait les sangliers labourer la terre et les cerfs gambader dans le vent, le renard glapir et le lapin taper l'humus, les cents oiseaux chanter et les serpents ramper. Seuls les Loups se taisaient.

La Meute attendait le Jugement de l'Alpha.

- Le Cormyr est la terre qui m'a vu naître. Non pas les Villes envahies par la corruption et le stupre, mais les nobles cimes aux âges immémoriaux. Je suis Fils de la Forêt et de la Sauvagerie. Car la Civilisation a dénaturé sons sens. Tout comme Sylvanus, la Sauvagerie n'est ni bonne ni mauvaise, elle est cruelle mais juste car la Forêt a ses Lois que la Civilisation ignore.

Loup-Noir reposa son œil valide sur la Louve agenouillée à ses pieds. Son éclat était dur mais aucune colère n'y résidait.

- Je suis Loup-Noir, né de la Mère-Louve des Bois de Cormyr et d'un Deux-Pattes obéissant aux Lois de la Forêt. Mais il fut un temps, des Mortes-Feuilles au Temps-Nouveau, où Loup-Noir n'était qu'un Chien de Guerre. Il fut un Cycle où Loup-Noir se rendit coupable du pire des crimes devant les Lois des Loups, crime qui est aussi terrible devant les Lois de la Forêt. Même tuer un Louveteau avant sa première Chasse est un crime moins honteux, et pourtant c'est une grande Faute.

Car j'ai, moi, l'Alpha, mené la Meute à la Sans-Vie. Par goût de tuer, et non par nécessité. Et tuer sans en avoir le besoin est un autre crime devant les Lois de la Forêt.

Tu vois en moi le Loup que je suis devenu. Sache que le Chien de Guerre est toujours là. Il tente de me submerger à chaque nouveau Grand-Soleil, même sous les Lunes-Claires. J'ai bafoué les Lois une fois, ma Faute me suivra jusqu'au Temps de la Sans-Vie. Mais ma Course suit désormais le Chemin du Loup. Si je dois m'en écarter une nouvelle fois, alors je devrai mes Cycles de Vie à la Forêt.

Tu as parlé courageusement, Louve-au-Cœur-du-Renard. Et je reconnais la Vérité dans tes Paroles. Tu as agi avec la Meute sans le mensonge des Deux-Pattes. Tu as suivi nos Lois sans t'en détourner. Tu as Chassé avec Ulfr et mené une Poursuite avec Fenrir. Tu as joué et mangé avec la Meute. Ces Liens, tu ne dois jamais les rompre. Loup-Noir n'existe que grâce au soutien du Frère-Loup qui a tué à ses côtés, à la douceur de Sœur-Louve, à l'amour de leurs Louveteaux, et à la Mère-Louve qui fut son guide sur le Chemin du Loup.

Alors je te le dis : tu es Mienne et je suis Tien, car tu es ma Louve et je suis ton Alpha. Je t'ai offert le sang et la chair au nom de la Meute. Ta Trace sera ma Trace, ta Chasse sera ma Chasse, ta Tanière sera ma Tanière et ton Dernier Combat sera aussi le mien. Un Loup n'est rien sans la Meute, la Meute n'est rien sans chacun de ses Loups.

Redresse la tête, hume la Forêt, reprends tes forces en elle ! Si tu abandonnes, ton odeur ne tardera pas à sentir la Sans-Vie. Sous cette Lune-Claire, la Meute dormira comme un seul Loup. Nous puiserons le réconfort dans la chaleur de nos Liens et quand viendra le Grand-Soleil, la Meute reprendra son Chemin.

Cyrien s'abaissa pour la relever et lui mordilla le nez, en un bisou lupin d'apaisement. A son geste, les chiens sortirent de leur immobilisme et vinrent se frotter aux jambes de Sélène, la reconnaissant comme une Louve de la Meute en la marquant de leurs odeurs. Ulfr s'arrêta plus longuement pour passer en douceur ses crocs sur la cuisse de sa Partenaire de Chasse. Huan et Fenrir léchèrent ses mains.

- Tant que tu es Fidèle à la Meute, aux Lois des Loups et de la Forêt, tu appartiens à la Meute. Mais un Alpha ne peut partager une Louve avec un autre Alpha. Heureusement pour toi, je suis aussi Deux-Pattes et je ne l'oublis pas. Je peux raisonner mon instinct.

Son visage perdit sa sévérité pour une douceur peinée.

- Je peux, pour une Louve. Pas une Louve Alpha. Car elle a toute la Meute sous sa responsabilité.

Il la dépassa, cherchant de la main le pelage épais de Huan qui s'approcha pour le soutenir de sa présence.

- Et je le regrette.

sgkaltezar

[Sélène]

Les dernières paroles de Loup-Noir résonnèrent comme un poignard qui se plantait droit dans son coeur. Les gestes chaleureux des chiens n'y changeaient rien, elle ne pourrait jamais obtenir le coeur de Cyrien. Dans sa tête, un ouragan se déchainait, elle envisageait toutes les possibilités, mais aucune ne semblait pouvoir apporter une issue favorable pour son coeur déchiré.

Rompre le contrat qui la liait avec Glasya, quitte à perdre tous ses pouvoirs et son influence, pour fuir avec la Meute n'était pas imaginable. Une telle décision finirait sans doute par la tuer elle et le reste de la Meute. L'archiduchesse du sixième enfer n'était peut-être pas l'incarnation du mal absolu, elle pouvait tout de même être capricieuse dans un tel cas. Emeraldine venait encore de le lui rappeler.

A moins que … Un sourire en coin se dessina sur ses lèvres. Si elle pouvait offrir à Glasya quelque chose ayant suffisamment de valeur à ses yeux pour la libérer elle de ses engagements, elle pourrait revenir aux côtés de l'Alpha et devenir sa louve.

La jeune femme s'ébroua, inspirant profondément l'air de la forêt comme Loup-Noir venait de lui recommander. Elle sécha ses larmes dans la fourrure de Fenrir, le chien qui l'avait accompagné à Pierrelune, en frottant son visage contre lui.

Elle releva ensuite la tête et fixa l'oeil valide de Cyrien. La tempête sentimentale calmée, elle déclara pensant chaque terme : « Tes mots sont la raison, même si cette raison lacère mon coeur. En l'état, m'accepter comme louve alpha condamnerait à terme la Meute. Loup-Noir, je pense que le louveteau est mêlé malgré lui a une affaire des Neufs Enfers. Je resterai avec la Meute jusqu'à Rougemont pour tirer cette histoire au clair. Puis je retournerai à Padhiver, tout en restant à l'écoute de l'appel de la Meute au besoin. Je saurai faire en sorte d'utiliser ma magie sans perturber les sens des Loups ni manquer de respect aux Lois de la Forêt si cela devenait nécessaire. »

Elle se serra contre lui, lui mordillant doucement le lobe de l'oreille avant d'ajouter dans un murmure : « Sache qu'un jour, que j'espère le plus proche possible, je reviendrai par moi-même auprès de vous. Sache que ce jour, je n'aurai plus d'autre Alpha que toi Loup-Noir. Les regrets seront passés. Tu es Mien et je suis Tienne, car tu es mon Alpha et je suis ta Louve pour l'éternité. Sans la Meute, je ne serai plus rien. »

Sélène relâcha Loup-Noir et entreprit de rendre à Huan et Ulfr un peu de l'affection qu'ils venaient de lui manifester. C'est alors qu'un hululement se fit entendre. Skadi, la chouette éclaireuse apparut au clair de lune et voltigea au-dessus de leur tête, tentant d'indiquer la direction à suivre à Cyrien et le temps qui les séparait de leurs destinations. Il leur faudrait entre trois et quatre journées pour rejoindre Illidrin et l'Expert, sur le domaine maudit de Rougemont.

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[Cyrien]

Il sentit l'odeur détestable de l'angoisse quitter peu à peu Sélène. Loup-Noir s'apaisa, même s'il continua de fourrager dans le poil épais de l'échine de Huan. Lorsque la jeune femme se releva pour lui faire face, aussi vite après ses larmes, il ne put que ressentir pour elle un profond respect qu'il espérait perceptible à ses yeux par sa tête relevée, qui découvrait sa gorge, et l'attention de son unique œil.

Un fois encore, le mutisme succéda à Sélène. A ses marques d'affection, il répondit par quelques secondes d'abandon, penchant instinctivement la tête vers elle. S'ils avaient été en sûreté, il aurait certainement permis à cet abandon quelques minutes supplémentaires, et, à ne pas en douter, le reste de la Meute serait venue les rejoindre.

Il pesa longuement les paroles de sa Louve puis hocha la tête.

- Le Louveteau se fourre toujours dans les embrouilles. A l'instar de sa Sœur - il jeta un regard en coin à Esna, qui les étudiait de loin, un petit sourire aux lèvres - et du Frère-Loup. Si les démons sont mêlés à sa Piste, notre Chasse devra se faire sous une Lune-Prudente.

La face sombre de Loup-Noir s'éclaira d'un sourire. Ce n'était pas l'un de ses discrets étirements des lèvres ou de ses ricanements sarcastiques, mais un véritable sourire qu'il ne réservait habituellement qu'au Frère-Loup et sa famille. Il attrapa délicatement le visage de Sélène et posa son front sur le sien, un roulement de contentement le secouant de sa cage thoracique jusqu'à sa gorge.

- Même si tu pars sur un autre Chemin ou même si plusieurs Cycles naissent et meurent avant ton retour… Tu reste Louve de ma Meute et ton Odeur portera mon Odeur. Notre Lien restera car je suis seul à pouvoir le défaire. Alors guette les murmures-de-nuit sous les Lunes-Claires car nos chants-à-la-lune seront en partie hurlés pour toi.

Puis, laissant Sélène avec Huan et Ulfr, Cyrien s'accroupit près de Rôdeur et Kyl. Le vieux chien et l'oméga avaient été fortement ébranlés par tous ces chamboulements d'odeurs et de tiraillements des liens.

Le hululement de Skadi le fit se dresser sur ses pieds dans la seconde. Il répondit puissamment au cri, tout à sa joie de revoir la chouette immaculée. Le grand oiseau tournoya au-dessus de sa tête, émettant trilles sur trilles, qu'il peinait à comprendre. Le don de Sylvanus s'arrêtait au langage canin. Il comprit rapidement la direction qu'il leur fallait prendre mais le reste lui échappait. Un grognement plus tard, Huan fut à ses côtés et Skadi se posa élégamment sur l'une des épaules du demi-elfe, le faisant grimacer sous son poids alors qu'il refusait de ployer. Les deux animaux communiquèrent un certain temps puis le chien fit son rapport à son Alpha.

- Encore trois Grands-Soleils et quatre Lunes-Claires si nous partons maintenant plutôt que de faire halte comme je l'avais proposé tantôt. Au pas-de-loup.

Il posa un œil sur l'ours d'Esna puis dériva sur Sélène et chercha Istovir du regard.

- Que le loupiot prenne place sur l'ours, s'il n'a d'autre moyen de voyager rapidement - il jeta un œil dubitatif sur le lourdaud animal - Et qu'il aille vite.

Esna rit joyeusement de son commentaire, tapotant l'épais cou de l'ours.

- Boulegomme ira vite. Même avec deux cavaliers. Car des loups lui lancent un défi. Rejoignons Illidrin en vitesse. Qui sait ce que mon petit frère va réveiller en fouinant dans le passé.

Un rictus déforma la bouche de Cyrien une demi-seconde.

- Reprenons notre Course. Lune-Claire ne s'est pas arrêtée sur son Chemin.

sgkaltezar

[L’Expert]

Au terme d’un voyage de quelques jours, la Meute atteint les environs de Rougemont et ne tarda pas à repérer le camp de fortune établi par Illidrin et l’Expert. La météo était repassée à une certaine clémence, mais le sol resté détrempé et difficilement praticable.

Le mage apprécia d’un regard curieux l’étrange troupe composée à première vue de chiens, d’elfes, d’un drow et d’une humaine approcher. Il s’adressa à Illidrin : « Des amis à toi Illidrin ou devons-nous rester sur nos gardes ? »

***

[Cérès Moonfire et Edmond Harpell]

A des lieues au nord, proche du village de Longueselle, la trame Féérunienne se déchira quelques instants. Un portail magique venait de s’ouvrir et deux femmes en sortirent l’air légèrement désorientées. Cérès attrapa instinctivement la main de Yorukoe, sans savoir si c’était pour empêcher sa compagne de tomber ou conserver son propre équilibre.

L’interstice planaire se referma quelques secondes après leur passage. L’elfe de lune constata qu’elles étaient au beau milieu de la campagne à quelques kilomètres au sud de Longueselle et lâcha une volée de jurons à l’égard du mage qui leur avait ouvert le portail depuis Padhiver : « Magnifique, ce crétin ne sait pas viser à travers l’espace interplanaire et on va devoir se taper une bonne heure de marche sous un soleil de plomb ! J’aurais dû me douter que son tarif ridiculement bas était le reflet de son incompétence ! »

Les jeunes femmes s’étaient mises en route depuis un bon quart d’heure lorsque Cérès émit un hoquet de surprise et sursauta. Un bel épervier venait d’atterrir sans gêne sur son épaule droite. Bien installé sur son perchoir elfique, ce dernier articula des mots en commun au lieu de pousser son cri usuel : « Alors, gamine, c’est l’âge qui te rend impolie ? Ouvrir un portail sur le territoire des Harpells sans avoir envoyé un carton d’annonce de visite au préalable ? Je devrai te transformer quelque temps en tulipe pour t’apprendre les bonnes manières tien. »

Le rapace parlant avança son cou pour mieux apercevoir Yorukoe qui se tenait à gauche de Cérès et ajouta sur un ton appréciateur : « Bon ... vu le beau lot que tu nous amènes, je vais faire une exception et passerais outre la punition ! »

Cérès leva les yeux au ciel et soupira. Edmond Harpell n’avait pas changé depuis tout ce temps. 

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[Illidrin]

Le deuxième carnet, vierge au début du voyage, était presque complet. Illidrin avait dessiné encore et encore, remplissant les feuilles blanches d'élégants traits de fusain. Au moins, le temps passait-il comme ça. Le jeune elfe avait essayé de sortir les chevaux mais mal lui en avait pris. Il avait dû passer de longues heures à brosser le poil blanc d'Etoileneige qui de blanc immaculé était passé à marron boueux.

Avant que l'Expert ne lui pose sa question, il avait cru entendre le hurlement de Huan mais s'était persuadé de l'avoir rêvé. En conséquence, apercevoir Cyrien et sa Meute le surprit tellement qu'il ne répondit pas à son compagnon de fouilles.
Esna lui sauta au cou avant qu'il ne le puisse. Lorsqu'il vit l'ours lui foncer dessus, il eut un premier mouvement de recul, une vieille peur d'enfance refaisant surface, et manqua de tomber à terre en réceptionnant sa sœur.

- Illiiiii ! rit Esna en lui collant une bise sur chaque joue. On arrive à temps à ce que je vois ! Tu n'es pas encore dans la mouise.

Elle lui sourit d'autant plus devant son air estomaqué et s'écarta pour laisser passer Cyrien. Il affichait un air tellement noir qu'Illidrin grimaça. Loup-Noir attrapa sa nuque pour coller son front au sien, le dévisageant de son unique œil et humant son odeur. Rasséréné sur son état, il le lâcha et lui frappa le nez d'une pichenette.

- Encore. Tu pars sans prévenir, Louveteau.

- J'ai prévenu.

- Un bout de papier sans importance.

Son air contrit tira un rictus amusé à Cyrien. Illidrin les engloba du regard, dédiant plus particulièrement un sourire à Istovir.

- Je suis heureux de vous voir. Mais pour l'instant, tout est calme. A part un orage qui nous a cloué ici.

Son agacement était perceptible dans sa voix. Il soupira et se tourna vers l'Expert :

- Il semblerait que mon absence ait déclenché quelques inquiétudes. Espérons que nos tentes soient suffisamment grandes.

Il leva les yeux au ciel.

- Ou que le temps se fasse enfin plus clément.

staneria

[Yorukoe]

Depuis son malaise à la suite de la traversée du portail, Yoru se répétait inlassablement que le soleil accablant était un excellent exercice pour sa magie. Elle laissa donc son givre courir sur sa robe blanche, à son aise, enfin comblée d’user de ses pouvoirs à sa guise sans perquisiteurs à capuches derrière elle. La main de Cérès dans la sienne, elle avança le cœur léger, écoutant vaguement les commentaires outrés de l’elfe de lune à ses côtés.

Étrangement, sa petite voix intérieure qui lui murmurait « Le Soleil c’est bon pour c’que t’as ! » avait les accents calishites moqueurs de sa mentor Ryanne. La vieille sorcière ne manquera pas de lui demander un rapport complet sur la Demeure du Lierre et les Harpells donc autant voir cette téléportation ratée comme une épreuve à passer dans son long apprentissage.

Son premier paragraphe pour Ryanne sera certainement consacré à l’épervier parlant. Ou à Cérès-la-tulipe. Yoru imagina sans peine son amie sous les traits d’une magnifique fleur aux teintes d’un bleu nuit envoutant, comme ses lèvres... Mais aux paroles du rapace, sa rêverie prit brusquement fin :

« Q-quoi ?? M-moi un beau lot ? »

Ne sachant si elle devait en être flattée – elle recevait les avances d’un oiseau tout de même -, gênée ou en colère, elle fixait dubitativement le volatile quand un détail la percuta soudainement.

« V-vous parlez... ? »

Yorukoe se sentit soudainement sotte de poser une question aussi évidente alors que Cérès ne semblait nullement plus étonnée que cela. Elle cacha au mieux sa gène mais le regain de givre sur sa tenue parla pour elle.

sgkaltezar

[L'Expert et Sélène]

Le soleil de plomb qui succéda aux orages permis enfin de commencer les fouilles qu'Illidrin souhaitait réaliser. Le terrain était facile à travailler. Plusieurs murs de l'ancienne place forte des Rougemont étaient encore bien visibles et les marques de constructions permirent, comme attendu, de compléter l'étude. En une bonne journée, avec les bras supplémentaires, le plan du castel pu être retracé. Cela, malgré les babillages incessants de l'Expert qui voyait en chacun des nouveaux venus un sujet d'étude passionnant.

Le castel devait être une construction de trois ou quatre étages entourée d'un mur d'enceinte épais. Quatre tours permettaient aux vigies de couvrir les différents points cardinaux. Au-delà de ça, rien dans les plans ne différenciait le castel d'une bâtisse noble vieille de cinq siècles.

Sélène, habituellement très sociable, en particulier avec la gent masculine, était plus renfermée depuis les événements en forêt. Elle restait généralement loin des autres, inspectant avec attention certains des vestiges de Rougemont, à la recherche de traces qu'elle pensait être la seule à pouvoir voir. Même l'Expert avait fini par abandonner, se concentrant sur les autres membres de la Meute, tout en gardant un oeil circonspect sur les agissements de la sorcière rousse.

***

[Cérès et Edmond]

L'épervier se lissa les plumes de son bec en entendant Yoru s'exprimer et repris sur un ton moqueur : « Je vois … une constante chez les femelles, la vivacité d'esprit est toujours inversement proportionnelle à leur beauté. Une chance pour toi Cérès que t'ait pris du gras dans les fesses ! »

L'elfe de lune ne releva pas, se contentant de foudroyer du regard l'oiseau. Elle tourna, la tête son amie et lui adressa un demi-sourire : « Yoru, je te présente Edmond Harpell. Un vieux mage gâteux et moche comme un pou, au point qu'il passe la plupart de son temps à prendre des formes d'animaux pour se donner de l'allure. »

L'épervier répliqua aussi tôt : « Gâteux … gâteux, ne sois pas désagréable parce que toi-même tu n'as jamais su te transformer en autre chose qu'un asticot ? » Edmond sautilla, passant sur le crâne de Cérès pour venir se poser sur l'épaule de Yoru et ajouter sur le ton de la confidence : « Je parie qu'elle ne te l'a pas raconté celle-là. Quand je pense qu'elle a failli se faire gober par un moineau ce jour-là, ricana-t-il en chantant à moitié sous sa forme d'épervier. Je te raconterai les moindres détails autour d'un verre de vin, qu'en dis-tu ? »

Cérès piqua un fard et interjeta : « Edmond ! Si tu trouvais un moyen de nous emmener à la Demeure au Lierre sans que nous ayons à marcher des heures plutôt que de draguer ma com … mon amie ? »

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[Illidrin]

L'humeur d'Illidrin était excellente. Les émotions négatives liées aux événements avec la Baronne de Rougemont lui apparaissaient désormais lointaines. Il ne lui restait que les faits en mémoire. D'un naturel optimiste, il ne s'attardait jamais longtemps sur les mauvais souvenirs, préférant se concentrer sur les bons moments. Et effectuer une fouille en compagnie de plusieurs personnes qui lui étaient chères ne pouvait qu'être une source de sourires.

Il manqua de suivre l'Expert dans ses babillages sur toute et une chacune pierre du castel mais Esna, qui le connaissait depuis toujours, l'orienta sur ses dessins et il fut trop occupé pour retarder le chantier par des curiosités dispersées. Il laissa sa sœur s'occuper de retrouver les vestiges des découpages de construction grâce à Etoileneige et se contenta de dessiner toute la journée. Il avait heureusement gardé ses grandes planches de parchemin épais pour ce seul exercice. Ses carnets étaient remplis de dessins en toute sorte.

Noirefutaie et la Meute de Cyrien montaient la garde pendant ce temps. Il avait été amusant d'observer les retrouvailles entre Kyl et Fedj. Le jeune chien d'Illidrin avait beau paraître foufou et maladroit lorsqu'il était seul, il s'avérait en définitive plus grand et dominant que son père. Il en répondait même à Ulfr, malgré la dominance accentuée du jeune loup. Même Cyrien n'en revenait pas et félicita chaudement son protégé pour les progrès du chien.

Son mentor errait dans les ruines. Il avait avoué de pas être bien utile avec son œil mort qui faussait ses distances et ses perceptions. Mais il guettait toute odeur étrange et surveillait la tournée du temps. Son œil valide était lui fixé sur Sélène qu'il surveillait de loin, à la fois distant et proche. Les commentaires amusés d'Esna, qu'elle n'osait prononcer trop haut de peur d'être entendue par leur oncle, confirmèrent ce qu'Illidrin comprenait dans son comportement.

Le jeune elfe souriait à Istovir dès qu'il croisait son regard. Leur dernière entrevue ne s'était pas soldée sur la meilleure note qu'il soit mais là également, il préférait se concentrer sur autre chose. Il était content qu'il soit encore une fois venu le retrouver, comme lorsqu'il était parti combattre les Illithids, même s'il se doutait qu'il n'en était pas l'unique raison. Le drow avait lui aussi une affaire à régler avec la Baronne de Rougemont.

Illidrin se demandait parfois comment une soirée aux abords de Pierrelune, pour regarder les étoiles en hauteur, avait pu dégénérer en des recherches qui pourraient s'avérer plus que dangereuses. Cyrien lui avait rapporté les doutes de Sélène sur un lien entre Rougemont et les Neuf Enfers.

Une fois le plan du castel dressé, le paladin le regarda d'un œil circonspect. De ce qu'il connaissait de l'architecture humaine, rien ne semblait vraiment sortir du lot. Soupirant, il s'attela à dessiner rapidement des copies du plan.

- Il ne nous reste qu'à fouiller pièce par pièce à la recherche d'un indice démontrant d'une étrangeté.

Il coula un regard vers Sélène, espérant qu'elle ait trouvé ce qu'elle semblait chercher.