[HistoireRP] Cérès Moonfire : Mémoire

sgkaltezar

Les odeurs nauséabondes qui se propageaient dans la ruelle m’agressaient les narines. Je me trouvais perdue dans un coupe-gorge de l’Enclave, au beau milieu de la nuit, proche de succomber à une crise de panique totale. En sortant de la taverne de Driftwood, quelques minutes plus tôt, j’avais croisé un magnifique chat au pelage roux et blanc qui gambadait sur un échafaudage. Je m’étais détournée de la route du hall de guilde des Victores Valaurkos, sans vraiment réfléchir, pour poursuivre l’animal, comme envoûtée par un sortilège qu’il m’aurait lancée. En s’engouffrant dans une rue sombre, le félin s’était éclipsé. La sueur perlait sur mon front et mes membres tremblaient alors que je tentais de maintenir mon esprit en ordre, cherchant désespérément un point de repère qui me permettrait de retrouver ma route. Je m’en voulais d’être aussi stupide. Je pensais à tous celles et ceux qui s’inquiéteraient de ma disparition et qui finiraient peut-être par pleurer ma mort, assassinée dans un caniveau pour un peu d’argent que je n’avais même pas.

Soudain, deux lueurs vertes au milieu de la noirceur ambiante me firent sursauter avant que je comprenne qu’il s’agissait du chat. Mes yeux s’étant progressivement habitués à l’obscurité, je compris qu’il était assis sur l’épaule d’une silhouette de taille et de forme humaine. J’espérais de tout coeur que son maître serait une personne bien intentionnée, car elle se mit en marche dans ma direction. Lorsque je pus la détailler, ma main se porta immédiatement sur le manche du couteau que j’avais « emprunté » à la cuisine de guilde pour assurer ma propre défense. Le propriétaire du chat était vraisemblablement un homme si j’en croyais sa carrure, habillé d’une grande robe rouge sertie d’une capuche relevée sur sa tête. « C’est un Thayen, ils m’ont retrouvée ! », me disais-je intérieurement tout en agitant mon arme improvisée d’une manière ridicule dans l’espoir de le faire reculer. Mon adversaire rabaissa son capuchon et présenta ses mains, les paumes en avant, signalant ses intentions pacifiques. Un demi-sourire accroché au coin des lèvres, il s’adressa à moi sur un ton rassurant : « Baissez votre couteau Madame, je ne vous veux aucun mal. Je suis Kamel, un Mage Cagoulé. Je représente la justice dans ce dépotoir corrompu qui porte le nom de Padhiver. »

« Les corrompus t’emmerdent, bâtard du Sud. Mes amitiés à Kelemvor », cria une voix sortie de nulle part sur un ton hargneux. Le chat pivota instantanément, faisant le gros dos et soufflant. Dans un geste fulgurant, Kamel pointa sa main dans la direction indiquée par son familier. Un trait de lumière turquoise fila à travers la rue et dispersa un tas de caisse illuminant brièvement une silhouette armée d’une arbalète qui se jeta sur le côté pour esquiver les effets destructeurs de la magie. Deux claquements de corde retentirent. En lançant son sort, le mage avait indiqué sa position aux agresseurs leur permettant d’ajuster leurs visées. Moins d’une seconde plus tard, j’entendais le bruit sourd des carreaux qui venaient se planter dans le corps de l’Amnien. Poussé par le choc, ce dernier s'écroula contre moi. Je le rattrapai par réflexe, amortissant notre chute mutuelle.

Nous nous retrouvions tous deux agenouillés sur les pavés humides de la ruelle. Le chat s'était enfui à mon grand étonnement. Il semblait pourtant très lié à son maître quelques instants plus tôt. Kamel respirait avec difficulté. L'impact des deux flèches le tétanisait et il était rigide dans mes bras. Tout mouvement lui devenait une véritable épreuve. Je remarquais, sur la pointe des projectiles qui traversaient son corps de part en part, qu’un étrange liquide bleu luisant se mélangeait au sang du Mage Cagoulé. Derrière lui, nos trois assaillants s’avançaient, l’un d’eux affichant une lame à la main. Kamel articula dans un souffle rauque. « Mon orbe, Dame, sous ma robe à votre droite, prenez-la et élevez-la au-dessus de nous. Ce qui va se passer ne sera pas agréable pour vous, mais c’est notre seule chance de survie. » Je m’exécutais maladroitement. Entre la mort ou lui faire confiance, je n’avais pas véritablement de choix. Il était évident que les agresseurs ne laisseraient aucun témoin en vivant. Il me fallut quelques secondes, qui me parurent une éternité, pour trouver l’objet selon les renseignements du mage et l’élever au-dessus de nous.

Aussi tôt que je lui indiquais être prête, Kamel se mit à murmurer dans une langue étrange. Il incantait. Je sentis un léger picotement à travers tout mon corps, qui s’intensifiait peu à peu alors que l’orbe s’illuminait. Au fur et à mesure, cette sensation me sembla de plus en plus familière et naturelle, comme si elle avait toujours fait partie de ma vie. Tout d’un coup, cela me parut une évidence : le mage, trop affaibli pour le faire lui-même, se servait de mon corps pour accéder à La Toile et en focaliser les énergies magiques dans l’orbe. Mon esprit s’affolait, comme si un barrage venait de céder et déverser ses flots de souvenirs dans ma tête. Soudain, l’orbe brilla de mille feux et cracha un véritable nuage de foudre tout autour de nous, brûlant les déchets dans la ruelle, noircissant les murs des bâtiments. Les éclairs happèrent de plein fouet nos agresseurs qui grillèrent littéralement sur place. Alors que le sortilège finissait de rugir, j’eus l’impression d’une énorme explosion dans mon crâne. Je fus prise d’un dernier haut-le-coeur avant de sombrer dans l’inconscience.

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Je me réveillais accompagnée d'une violente migraine. Mon mal de tête me rappelait les lendemains de soirées aux mélanges éthyliques trop ambitieux du Masque de Pierrelune. "Me rappeler" ... je prenais conscience de la valeur du verbe pour moi. Apparemment, j'étais couchée sur le dos, la sensation de rigidité et de fraîcheur des pavés s'était éclipsée au profit de la douceur et de la chaleur d'un lit. Me relevant à mi-hauteur en m'appuyant sur mes coudes, je clignais des paupières à de multiples reprises, car mes yeux s'obstinaient à flouter toutes les images qui leur parvenaient.

« Qui êtes-vous ? » me demanda fermement une voix grave à l'accent du Sud. Je distinguais la silhouette de mon interlocuteur, enrobé de blanc et gris. Je balbutiai ma réponse : « Cérès, Cérès Moonfire. Où suis-je ? Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? » Ma vue gagnait en netteté. Je me trouvais dans une pièce décorée et colorée dans un style septentrional. Devant moi se tenait un homme en robe de mage, d'une constitution assez forte, marqué d'un tatouage facial complexe au-dessus d'un collier de barbe et portant ses cheveux bruns mi-longs. Il me répondit en gardant un ton sévère, son visage ne laissant paraître aucune émotion : « Vous êtes dans les quartiers des Mages Cagoulés, madame Moonfire. Je suis leur dirigeant, Sinael Micipsa. Et je ne vous veux rien de spécial, pour le moment du moins. » Il se fendit d'un léger sourire en coin sur ces derniers mots.

Un lourd silence envahit la pièce alors que je luttais mentalement pour comprendre les implications de ce qu'il venait de me dire. Il s'adossa contre le bord de la porte, son regard inquisiteur semblait me percer de toute part, me mettre à nu. A cette pensée, je vérifiai, légèrement paniquée, ne pas être effectivement dévêtue devant lui. Le contact de mes mains sur le tissu rêche de ma tunique me rassura sur ce point. Sinael, constatant mon désarroi, n'attendit pas une autre volée de questions pour continuer ses explications : « Silice, le chat familier de Kamel a trouvé des secours qui sont arrivés alors que vous gisiez tous les deux au sol, inconscient. Nous avons pu soigner les blessures apparentes de Kamel. Cependant, le poison qui recouvrait les carreaux a pu faire effet, mon mage a perdu définitivement ses capacités à lancer des sorts. »

Sinael marqua une pause dans son discours, son expression se durcit encore plus et il prit un ton contrarié : « Kamel vous doit la vie. Votre lien apparent avec la Toile lui a permis d'articuler plus facilement son sortilège destructeur. Si vous aviez été une profane, il n'aurait peut-être jamais réussi et vos agresseurs auraient fini le travail. » Le mage quitta son mur et s'approcha du lit pour me tendre un objet étrange constitué d'une sphère flottant entre deux arcs de métal dorés. Il s'expliqua dans un soupir : « Il souhaite vous faire don de son orbe dont il n'aura plus l'usage désormais. Je ne suis guère enchanté à cette idée, mais nos règles lui autorisent cet acte. » Devant mon regard étonné, il ajouta : « Perdre ses capacités magiques, dans notre ordre, c'est comme mourir. Voyez ça comme un héritage testamentaire. Ne vous croyez pas, cependant, au-dessus des lois. Toute infraction magique de votre part au sein de l'Enclave sera punie. Vous n'avez pas ma sympathie, madame Moonfire, articula-t-il sur un ton tranchant. Je vous laisse rassembler vos affaires et quitter cet endroit dans le prochain quart d'heure. »

Il tourna les talons et sortit sans même me saluer. Je restai pantoise dans le lit, dégoutée par l’assurance de cet horrible personnage. Je me saisis de l’orbe magique déposé à mes côtés et le porta sous mon regard pour l’examiner en détail. Mon visage se reflétait sur la pierre polie. Je me sentais comme sortie d’un voyage à travers un long tunnel obscur au travers des yeux et de la juvénilité de Zelle White, l’elfe torturée et amnésique. Un sourire carnassier se dessina sur mes lèvres alors que je pensais : « Je suis Cérès Moonfire, spécialiste des arcanes et de la foudre. Vous, les Thayens, qui m’avez prise ma dignité, ma passion et ma vie, auriez mieux fait de me tuer pendant que vous en aviez l’occasion. Désormais, je suis armée et en colère. »

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Firiel s'inquiéta toute la nuit durant, de l'absence de son amie Cérès, elles ne se croisaient plus beaucoup depuis le retour d'Aaron, mais chaque soir tout le monde se réunissait autour de la table commune pour le dîner. Or ce soir là Zelle (ou Cérès) qui assiste d'habitude Elli dans sa cuisine ne répondait pas présente. Les récents évènements laissèrent entrer dans l'esprit de Firiel la funeste pensée de l'assassinat de son amie, elle pria alors Sehanine pour que l'elfe de la lune qu'elle avait par le passé arraché à la mort, soit encore en vie...