La Méduse Pourpre

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La Méduse Pourpre

Port-Crâne, le port souterrain situé sous la cité d’Eauprofonde, était un endroit sinistre et dangereux, un lieu dénué de loi, où se croisaient pirates, esclavagistes et scélérats de la pire espèce.


C’est dans les rues malfamées de cette ville portuaire que Maurak, âgé alors de 9 ans, passait ses journées à chercher quelque babiole de valeur à chaparder. C’était le quotidien pour lui et les autres enfants de la rue, et ça se terminait souvent en drame. Dans son groupe, plusieurs enfants avaient déjà fait les frais de leur manque de dextérité lors de leur vols et avaient perdu un œil, une langue, une main ou le plus souvent la vie. Maurak eu la chance rare de demeurer intact jusqu’à maintenant. Il avait vite compris les ficelles du métier et les jouait avec talent. Le soir, il lui arrivait même de donner quelques conseils au plus grand du groupe, Ernst, âgé d’une quinzaine. L’adolescent boutonneux ne lui rendait pourtant jamais ses faveurs. Il percevait Maurak comme un futur rival, n’avait de cesse de le rabaisser et l’envoyait toujours sur les coups les plus dangereux.


Dans leur groupe il y avait aussi Alicéa, une petite demi-elfe aux cheveux noirs du même âge que Maurak. Le jeune voleur pensait toujours à lui ramener quelque chose de spécial de ses excursions, car en faisant cela, les yeux d’Alicéa se mettaient à briller et elle avait une façon de le regarder qui lui faisait oublier la vie pénible qu’ils enduraient, pendant un bref instant. Ernst avait remarqué le rapport qu’il y avait entre Maurak et Alicéa. Il les observait souvent, dans la maison abandonnée que le groupe d’enfants avait choisit comme refuge, évaluant ce qu’il considérait chez Maurak comme une faiblesse exploitable.


Un soir, les voyant ensemble, il s’approcha et déclara :
« Les femmes, ça se prostitue, et il est temps pour toi d’en devenir une. Je vais te montrer ce qu’il faut faire, viens avec moi. »
Maurak se leva d’un bond.
« Elle n’a pas à faire ça ! » il lança, plissant les sourcils. Ernst esquissa un sourire cruel.
« Il faut bien qu’elle fasse sa part du boulot, Morbac ! » Il lui décrocha une droite qui fit voler Maurak et s’écraser dans le mur. Puis il saisit la main d’Alicéa et l’entraina dans la chambre, fermant la porte à clef derrière lui. A ce même moment, Orink, un des gamins qui avait perdu un œil, arriva en trombe dans la maison.
« Cap’taine Malte, l’est au port, j’l’ai vu ! C’est lui j’en suis sûr ! » cria le petit borgne à qui voulait l’entendre. Maurak se releva en massant sa mâchoire endolorie et lui dit.
« Va le dire à Ernst, vite ! »
Le petit se mit à tambouriner sur la porte de la chambre et criant.
« Cap’taine Malte, cap’taine Malte ! »
Ernst ouvrit la porte, saisit Orink par le col et lui dit :
« T’es sûr d’avoir bien vu, avec ton œil en moins ? »
« Sûr ! C’est lui ya pas d’doute, j’ai même vu l’navire accoster ! C’est la Méduse Pourpre, ya pas d’doute j’te dis ! » cria Orink. Un éclair de vilenie brilla dans les yeux d'Ernst. Il se retourna et aboya ses ordres au groupe.
« Vous tous, vous restez ici. Maurak, tu viens avec moi et Orink, tu nous mènes au capitaine, et si c’est pas lui, tu peux dire adieu à ton deuxième œil ! »

..........

Tapis dans l’ombre d’une poubelle puante, les trois jeunots observaient le légendaire capitaine Malte, pirate de renommée au commandement de la majestueuse et redoutable Méduse Pourpre, Célèbre dans tout le monde de la piraterie. Leur idole de tout les temps se tenait là, à quelques mettre à peine. Ernst se tourna vers Orink.
« Beau boulot petit, maintenant retourne à la maison, Maurak et moi on a à faire. »
Orink commença à protester, mais finit pas s’exécuter, devant le regard noir d’Ernst.
« Et on a quoi à faire ? Regarder un pirate déambuler dans les rues de Port-Crâne ? C’est original, tu veux son autographe ? » ironisa Maurak. L’expression d’Ernst se déforma en un rictus sadique.
« Non, mon petit Morbac, bien sûr que non. Tu vois la dague qui lui pend à sa ceinture ? Je la veux. Va me la chercher. »
Maurak fronça les sourcils.
« Tu veux ma mort ? Tu sais qui c’est ce pirate ? »
« Oh mais je te laisse le choix. Tu vois, cette dague me fait encore plus envie que ta précieuse Alicéa. Si elle était à moi, j’aurai plus aucun intérêt pour ta petite copine. Alors tu vois, c’est elle ou la dague. Choisis vite, il va pas rester là des heures.»
Maurak lança à Ernst un regard tellement empli de haine que l’adolescent eu un recul involontaire. Puis il se mit à avancer lentement vers le pirate, sautillant d’une ombre à l’autre, sans faire de bruit. Enfin à portée, il allongea son bras, décrocha doucement la chaine qui reliait la dague à la ceinture du pirate, et réceptionna l’objet dans son autre main. Puis il recula à pas de loup et rejoint la cachette ou l’attendait Ernst.
« Impressionnant ! se réjouit Ernst. T’es vraiment un voleur de talent, petit Morbac. Mais t’as pas finit le boulot. Si on veut vraiment piller un pirate, il faut s’assurer qu’il reviendra pas rechercher ses affaires… » Ernst afficha un large sourire.
« Tu… tu veux dire… »
« Oui, imbécile, je veux dire qu’il doit mourir. A quoi ça sert une dague à ton avis ? »
Maurak le regarda bouché bée pendant un moment, puis se renfrogna.
« Non, je refuse, on avait un marché. Et puis, c’est un grand pirate, il mérite le respect. Comment peux-tu penser un seul instant… »
« Et comment crois-tu qu’on devient un grand pirate, stupide morpion ! Si t’as pas encore l’étoffe d’un tueur, observe et apprend…» Ernst dégaina un kukri. La lame courbée vers l’avant refléta la lumière d’un lampadaire dans les yeux de Maurak. Ernst s’avança lentement dans le dos du pirate. Arrivé à quelques mètres, il retourna le kukri dans sa main et s’apprêta à frapper. Mais l’arme lui tomba mollement de la main et il poussa un cri d’horreur. Derrière lui, Maurak se tenait, la dague du capitaine à la main, la lame rouge de sang. Le pirate se retourna en un éclair et vit Ernst se tenant le creux de l’épaule, le sang giclant entre ses doigts. Puis les yeux d’Ernst se révulsèrent et il s’écroula aux pieds de Maurak. Le capitaine posa son regard sur Maurak et vit sa propre dague dans sa main.
« Mais c’est à moi ça, p’*Quiiiiiick* voleur ! » tonna l’homme. Maurak baissa le regard.
« Je vous la rends. »
Le pirate détailla le gamin pendant un moment et finit par afficher un large sourire.
« Bah, t’as l’air de savoir t’en servir. Garde la, mais à une condition… »
Le visage de Maurak s’éclaira. Le capitaine Malte poursuivit.
« Tu viens avec moi ! Notre mousse est tombé à la mer dernièrement et on a besoin d’un nouveau. Oh, pas la peine d’y réfléchir. Quand un pirate te propose une offre, c’est suicidaire de refuser. Dépouille vite ta jeune victime de ses objets de valeur. Ce sera ton premier butin en tant que pirate de la Méduse Pourpre !»

..........

Ainsi Maurak quitta Port-Crâne à bord d’un grand navire et apprit la vie de piraterie. Il grandi en mer et vit de nombreuses batailles, puis essuya le sang sur les planches du pont. Parfois, l’image d’Alicéa revint le voir en rêve, mais il l’oubliait aussitôt au réveil et se concentrait sur son métier de pirate. L’équipage lui apprit le tir à l’arbalète ainsi que le combat en mêlée. Le capitaine lui appris l’art de la guerre et la navigation. Petit à petit, Maurak devint un jeune homme fort et agile. Il grimpait dans les cordages avec souplesse et rapidité et devint un atout indispensable pour l’équipage. Il apprit les plaisirs de la chair dans les bras des prostituées, lorsque le navire faisait escale à Flotscale, une immense plateforme en bois, flottant au milieu des brumes éternelles, connue et fréquentée uniquement par des pirates. Cette vie était rude et dangereuse, mais elle lui plaisait.


Puis vint le jour où la Méduse Pourpre coula un navire esclavagiste. L’équipage pu récupérer leur or et objets de valeur, quelques minutes avant que le reste coule au fond de l’océan. Parmi ces « objets » se tenait une jeune elfe de lune d’une grande beauté, même pour une elfe. Maurak ne pouvait s’empêcher de penser à Alicéa en la voyant. Une nuit, alors que l’équipage cuvait son rhum, il alla la retrouver dans les cales. La jeune elfe était bâillonnée, et ses mains menottées à une chaîne qui pendait du plafond. Elle n’avait subit aucune blessure de l’équipage, qui la réservait pour une éventuelle offrande à Umberlie, déesse malfaisante des océans, qui avait besoin d’être apaisée régulièrement. L’elfe semblait dormir profondément malgré sa position inconfortable et Maurak repensa à toute les fois où il avait veillé au sommeil d’Alicéa. Soupirant, il prit sa décision. S’avançant vers la captive, il lui retira son bâillon. L’elfe écarquilla les yeux et fixa l’homme devant elle. Maurak plaça son index devant sa bouche, lui signant de garder le silence. Puis il découpa les maillons de la chaîne à l’aide d’une pince coupante. Enfin libre, l’elfe massa ses poignets endoloris. Maurak lui fit signe de la suivre et ils sortirent furtivement de la cale. Maurak poussa une barque vers le bord du pont et tira une corde qui fit descendre la barque vers la mer. L’elfe prit place dans la barque. Elle fit un signe de tête à l’homme, pour le remercier, et il fit descendre la barque jusqu’à ce qu’elle mouille. Sortant une flasque de rhum, il se mit à boire, regardant la barque s’éloigner au clair de lune.


Le lendemain, les vents soufflaient d’une force rare et la majestueuse Méduse Pourpre se balançait d’une vague à l’autre comme un bouchon de liège. L’équipage paniqué, le capitaine décida que l’heure était venue de faire une offrande à la capricieuse déesse, et ordonna qu’on aille chercher la captive elfique. Les hommes trouvant les cales vides, certains doigts désignèrent Maurak comme le seul coupable possible. Le vieux capitaine s’avança vers lui.
« Mon garçon, tu as toujours été honnête avec ton capitaine, et je vais te le demander qu’une fois : Es-tu responsable de la libération de la prisonnière ? »
Maurak soutint le regard perçant de son capitaine pendant un long moment, puis hocha la tête. Le vieux pirate grimaça, visiblement déçu par la réponse, et attristé par ce qui devait suivre.

« Qu’on le passe à la planche ! » ordonna le capitaine Malte. Les pirates attrapèrent Maurak, qui ne fit aucun geste pour se défendre, lui attachèrent les mains dans le dos et un foulard sur les yeux. Ils firent dépasser une planche sur le bord du pont et placèrent l’homme dessus. A la pointe de sa rapière, le capitaine poussa Maurak de plus en plus loin sur la planche.
« Maurak, tu as été un bon membre de notre petite famille, mais si Umberlie te prend, elle nous laissera peut-être filer. Tu connais nos règles et tu les as enfreintes. Tes dernières paroles ? »
Le vent fouettait violement le visage de Maurak. On aurait cru qu’Umberlie s’impatientait d’engloutir son offrande. Maurak ne prononça aucune parole, et attendit en silence, alors qu’une grande vague s’affala sur lui et l’emporta dans les profondeurs marines. Le capitaine resta un moment devant la planche mouillée qui tremblait encore.


Mais Umberlie ne voulu pas de lui. Elle le balança d’un courant à l’autre, le traina sur une barrière de corail qui lui déchira la peau des poignets et le libera de ses liens. Il s’échoua finalement sur un banc de sable fin. Se réveillant avec peine le lendemain, il pu rejoindre une île à proximité à la nage, l’île de Moonshae.

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