[HistoireRP] Pendant ce temps...

Ses sens lui revenaient lentement. Tout en restant le plus immobile possible, la respiration mimant celle lente et profonde des endormis, Morgemil ouvra un œil curieux de savoir où il était.

Il avait manqué de prudence hier soir quand un homme masqué était venu à lui, prétextant lui parler des Valaurkos. La brûlure du poison drow était on ne peut plus reconnaissable et à vrai dire, elle ne lui avait pas manqué. Sa main blessée par la petite lame de son agresseur semblait être de son avis.

- Je sais que tu es réveillé, gagnons du temps veux-tu ?

Il connaissait cette voix. Tout comme il connaissait le lit où il avait échoué.

- Nym… c’est comme ça que tu ramènes tes conquêtes ? Soupira le plus elfe des deux.
- C’est Dinin pour toi.

Se redressant dans la "chambre" à coucher qui était autrefois la sienne, Morgemil fit face à son double installé à sa chaise, lisant un parchemin tout en comptant un petit tas de pièces d’or. Il constata avec un certain soulagement en rejetant les draps qu’il portait encore ses vêtements de la veille.

- Si tu voulais me parler, ce n’était pas obligé de m’empoisonner pour ça. D’ailleurs, depuis quand le poison drow fait dormir aussi longtemps ?
- Tu as toujours une constitution fragile, c’est facile de deviner les doses pour te mettre à terre, répondit laconiquement Dinin en terminant de remplir une colonne. Après, Rik a peut-être eu la main lourde...
- Tu envoies Riklaunim me chercher maintenant ?
- J’ai besoin de toi.

Faisant fi de l’air plus qu’étonné du voleur, à la limite de l’inquiétude, Dinin se recula de sa chaise de manière lente et posée. Morgemil nota néanmoins que les gestes de son homologue trahissaient une certaine douleur, peut-être due à un combat difficile.

- J’ai surtout besoin de tes connaissances dans les poisons, finit par lâcher le drow une fois debout face à lui. J’en ai une partie mais tu ne m’as pas fait don de ta patience et ta minutie pour les mélanges. Je te propose donc un poste.
- Je ne te suis pas là… Tu me vires du Bregan pour me réengager quelques mois plus t… ?
- Je ne t’ai pas viré, lui coupa Dinin, juste mis de côté pour que tu profites d’une longue et heureuse vie maritale avec ton elfe.
- Que tu as voulu tuer au passage.
- Ah ? Tu as fini par t’en rappeler ?
- On m’a raconté.
- Les racontars tu sais…

Se détournant de manière désinvolte, le lieutenant lui désigna d’un signe de la main sa carafe de vin et continua de se diriger vers ses étagères. Dinin avait complètement réintégrer les lieux, effaçant les repères que Morgemil avait jadis placés quand il était lui-même à la tête du Bregan D’aerthe.

Ignorant le vin, se faire empoisonner deux jours de suite ne l’enchantait guère, Mil remarqua entre les deux gobelets une petite fiole de verre vide où subsistaient quelques gouttes foncées.

- Je pourrais avoir un confectionneur parmi mes hommes mais il me faudrait aller le chercher à Menzoberranzan et en ce moment, je préfère éviter, lui parla le faux courtisan en fouillant son armoire. Et avant que tu me rétorques ton excuse habituelle, Kimmuriel m’a laissé la main mise complète jusqu’à cessation des "petits jeux entre Gyrion et Neverember".
- C’est pour ça que tu m’as aussi demandé de garder l’œil sur les affaires de Gyrion ? Demanda Morgemil en observant de plus près la fiole.
- Pas vraiment. Mais nos affaires se rejoignent sur ce point. Ni toi, ni moi ne voulons de Gyrion au pouvoir et même ton elfe serait de cet avis.
- Il n’empêche que tu agis quand même de ton côté, sinon tu n’aurais pas pris ça.

Dinin ferma les yeux un instant, soupira, et retourna vers sa moitié avec le rouleau qu’il cherchait. La petite fiole bien en évidence dans les mains de Mil ne lui laissait pas d’autres alternatives à ses questions muettes.

- L’huile noire permet de résister à la douleur Dinin et à ce que je vois, les effets ont cessé avant que tu puisses t’en sortir sans dommage. Ne le cache pas, ça se voit que tu souffres.
- Apprécie donc le spectacle et épargne-moi ta sollicitude déplacée.

Morgemil soupira à son tour, las devant tant de mauvaise foi.

- C’est de l’huile noire que tu veux ? Y’a des remèdes alchimiques contre les douleurs.
- J’apprécierais des trucs pour… dormir ou au moins fatiguer.
- …. Pas tuer ?
- C’est dingue ça ! Je passe tellement pour un tueur assoiffé de sang que ça ?
- J’n’ai pas oublié que tu en veux encore à Poeri.
- Et Solstice, et Isaac, voir même toi mais navré de te l’annoncer, j’ai d’autres priorités.
- Tu veux quoi à la fin ?! S’impatienta le voleur.
- Tes talents.

La réponse avait fusé, sans appel. Le drow resta un moment accroché au regard doré de Dinin sans savoir s’il mentait ou non. Bien que son don elfique lui affirmait qu’il était sincère, ce détail ne le tranquillisa nullement. Y’avait un piège. Y’avait forcément un piège.

- Tu ne m’as toujours pas dit pourquoi…
- Une chasse aux infos. Et si c’est toi qui conçois les poisons dont nous utiliserons, tu sais qu’il n’y aura rien de mortel. En somme, je te propose de travailler pour moi en tant qu’agent allié. Un peu comme faisait Morik le Rogue à Luskan.
- Le Bregan menaçait Morik s’il ne travaillait pas à leur convenance.
- Et ? Tu seras payé et je ferais en sorte que tu obtiennes les ingrédients dont tu auras besoin.
- La contrepartie ?

Le lieutenant afficha un sourire entendu. Mil n’avait pas perdu ses vieux réflexes.

- Tu travailleras ici et pas un mot sur tes… activités. Bien que je me doute que ton cher et tendre finira par l’apprendre d’une manière ou d’une autre. Ce qui serait injuste, non ?
- Injuste ? En quoi ça serait injuste vis-à-vis de Poeri ?
- Vis-à-vis de toi, Morgemil, de toi. Après tout, lui a bien ses arcanes, ses recherches secrètes et ses petits travaux palpitants avec ce cher prince dont il t’écarte. Pourquoi ne pourrais-tu pas avoir ton jardin secret toi aussi ?
- Oh… le genre de jardin dans une crypte abandonnée, entouré de mercenaires drows entraînés, à manipuler des poisons et en prime, toi sur mon dos ? Dis comme ça, ça laisse rêveur.

Le sourire de Dinin s’accentua encore plus.

- Bon retour à la maison.

Cette fois, aucune lame ne vint lui entailler la peau quand il serra la main de son frère d’arme.


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